Revendiquant une filiation avec les compositeurs de l’âge d’or hollywoodien et faisant valoir des conceptions relativement similaires quant à la place et au rôle de la musique au sein du film, John Williams est souvent représenté dans la littérature spécialisée comme l’héritier direct des pionniers du symphonisme.Tandis que les études des partitions de Williams restent souvent focalisées sur le synchronisme, il apparaît au contraire intéressant d’analyser les procédés de mise à distance entre la musique et l’image. Cette étude de la musique composée pour Jurassic Park, laquelle n’a encore fait l’objet d’aucune recherche musicologique véritablement approfondie, interroge l’apport et la singularité de Williams au regard des pratiques antérieures de la dissociation musique/images. Cette approche permet aussi de faire ressortir les lacunes du discours dominant sur un compositeur contemporain.En effet, une analyse méticuleuse de la partition de Jurassic Park permet de mettre au jour un hiatus entre ce discours dominant et la pratique effective du compositeur. Williams ne se contente pas de reprendre les types de décalage musique/images employés par les pionniers du symphonisme, mais élargit les procédés et réévalue leur utilisation. En outre, certains modes de dissociation apparaissent comme spécifiques au compositeur. Dans plusieurs scènes, Williams renforce la discontinuité du montage afin de mettre en valeur un changement dramatique soudain. Une distance musicale est aussi créée par rapport aux dialogues, aux réactions des personnages et aux références visuelles. Se démarquant du 100 pour cent musical, la partition accorde une place importante au silence, la musique étant absente aux moments dont l’accompagnement est traditionnellement convenu. Enfin, s’écartant des pratiques du symphonisme hollywoodien, Williams se livre à un traitement relativement inattendu et personnel de la mort, tandis que sa musique nuance la perception d’un happy end en nimbant les derniers plans d’un voile triste et mélancolique., Claiming lineage with composers of the Golden Age of Hollywood and applying similar ideas regarding the place and role of music in film, John Williams is often portrayed in specialized literature as the direct heir of the pioneers of this style.While studies of John Williams’ scores often focus on synchronism, it is, however, interesting to analyze the processes that create a distance between music and image. This study of Jurassic Park, a score that has yet to be subject to in-depth musicological research, explores Williams’ contribution and originality vis-à-vis previous practices of contrapuntal relationships between music and film. This approach questions the dominant discourse on a contemporary composer.Indeed, a meticulous analysis of the Jurassic Park score brings to light a gap between the common opinion and the actual practice of the composer. Williams does not merely perpetuate the types of discrepancies between music and images used by the pioneers of the Classical Hollywood style, he also broadens them and re-evaluates their use. Furthermore, certain types of disassociations appear to be specific to the composer. In some scenes, Williams reinforces the discontinuity of the editing to highlight a sudden dramatic change. A distance is also created between the music on the one hand, and the dialogue, the characters’ reactions and visual references on the other hand. The score departs from the “100 percent musical” style and makes important room for silence, since the music is absent during moments when the scoring is traditionally more predictable. Finally, Williams moves away from Classical Hollywood practices by addressing death in a relatively unexpected and personal way. His music moderates the perception of a happy ending by enshrouding the final shots in a sad and melancholic veil.