Dans le cadre cadre des politiques publiques mises en place pour lutter contre le changement climatique et atteindre les objectifs fixés par la Communauté Européenne, la loi dite Grenelle 2 a rendu obligatoire avant le 31 décembre 2012, la réalisation d'un plan climat énergie territoire (PCET) pour les 440 plus importantes collectivités territoriales françaises. Ces plans encadrent une démarche de développement durable articulée autour de deux principaux objectifs : -L'atténuation des émissions de gaz à effet de serre (GES), -L'adaptation des territoires au changement climatique. Un PCET constitue donc l'ossature de l'engagement d'une collectivité face au changement climatique et met en synergie un ensemble d'actions et de mesures qui prennent en compte tous les secteurs de l'économie et les activités de la vie quotidienne. Parmi ces actions, la direction régionale Languedoc-Roussillon de l'ADEME a souhaité investiguer le potentiel que l'on pouvait attendre de la diffusion de l'agroforesterie, technique de production agricole où les arbres sont associés aux cultures et aux pâturages. Ce mode d'exploitation des terres agricoles, autrefois répandu dans toute l'Europe mais abandonné depuis pour cause de mécanisation, fait l'objet d'un regain d'intérêt dans une formule compatible avec l'agriculture moderne, c'est-à-dire mettant en oeuvre de faibles densités de peuplement d'arbres (30 à 50 sujets par hectare) complétées parfois par des haies de délimitation (60 à 100 mètres linéaires de haie par hectare). Différents mécanismes d'interactions aériennes (lumière, ombrage, vent, biodiversité…) et pédologiques (apports de matière organique, biodiversité, cinétiques de minéralisation…) conduisent à une symbiose entre arbre et culture propice, entre autres, au stockage de carbone dans la biomasse et dans le sol. L'arbre devient ainsi un outil de la production agricole. L'agroforesterie permet donc une limitation des émissions de gaz à effet de serre grâce à son potentiel de séquestration de carbone. Elle impacte également les bilans " carbone" par substitution de combustibles fossiles ou de matériaux de construction, dotés d'une plus forte empreinte environnementale. Enfin et dans un tout autre registre, on en attend des bénéfices du point de vue de l'adaptation très locale aux changements climatiques en cours. Le potentiel " carbone " de l'agroforesterie reste toutefois encore à affiner. Les références sont peu nombreuses et la multitude de facteurs qui entrent en jeu (essences des arbres, âge des peuplements, conditions pédoclimatiques, modalités d'entretien…) rendent peu aisée l'estimation des quantités de carbone stockées durablement dans les sols. En vue de rassembler des éléments d'information et de sensibilisation des acteurs des PCET sur les potentialités de l'agroforesterie, une convention d'étude a été passée avec la Chambre d'Agriculture du Languedoc-Roussillon qui a débouché sur la rédaction de trois publications complémentaires1 (http://www.languedoc-roussillon.ademe.fr/) : -L'agroforesterie : un outil " carbone " pour les PCET – Etude de cas sur deux territoires de PCET en Languedoc-Roussillon, -L'agroforesterie : un outil d'aménagement du territoire – Application au Languedoc-Roussillon, -L'agroforesterie : un outil " carbone " pour les PCET – Mettre en place une démarche d'agroforesterie sur le territoire d'un PCET. Ce dernier fascicule détaille une méthode opérationnelle de diffusion de l'agroforesterie à l'échelle d'un territoire de PCET et d'évaluation du potentiel " carbone " de cette pratique. Il s'adresse plus particulièrement aux chargés de mission correspondant. Dans un premier temps, un diagnostic de territoire est posé à partir duquel une stratégie de déploiement de l'agroforesterie sera construite. Vient ensuite un travail de cartographie, recourant à des systèmes d'information géographique qui croisent des paramètres agronomiques, pédologiques et des informations sur l'occupation du sol. On en attend l'identification, sur le territoire du PCET, des surfaces agricoles propices à la mise en place d'une agroforesterie à vocation carbone, présentant donc des rendements sylvicoles importants. Les conditions strictement techniques (agronomiques, pédologiques, topographiques) étant arrêtées, il est nécessaire de confronter ce premier potentiel de surfaces présélectionnées avec une réalité plus socio-économique des territoires concernés. Cette étape repose essentiellement sur des enquêtes de terrain qui s'attachent à évaluer les enjeux fonciers à venir sur le territoire (critère d'autant plus important à prendre en compte que l'agroforesterie est une démarche qui s'inscrit dans le long terme) et à appréhender les conditions d'acceptabilité du projet par les agriculteurs et les propriétaires fonciers. A l'issue de ce travail d'enquête, on peut alors faire émerger un noyau d'agriculteurs pionniers, tout particulièrement convaincus de la pertinence de la dynamique, auprès desquels un accompagnement personnalisé (définition des objectifs visés et du système de production permettant d'y répondre, information sur les procédures administratives à anticiper, montage technique du projet, subventionnement, suivi dans le temps…), pourra s'organiser afin de concevoir, implanter et pérenniser des projets agroforestiers. La mise en place d'une stratégie globale visant à convertir des superficies agricoles conséquentes à la pratique agroforestière suppose donc d'avoir réalisé des diagnostics de territoire orientés d'un point de vue agronomique mais aussi foncier et socio-économique. La déclinaison opérationnelle de cette stratégie nécessitera que ces diagnostics soient rapidement prolongés par des initiatives plus locales, menées parfois en réseau, permettant de diffuser largement l'information mais aussi d'accompagner au plus près les agriculteurs qui se lanceront dans cette évolution de la conduite de leur exploitation. La méthodologie proposée accorde une grande importance au suivi des projets, indispensable pour s'assurer de la bonne gestion du système agroforestier et de l'obtention de la rentabilité finale attendue. Enfin, le guide décrit comment estimer la contribution potentielle de l'agroforesterie à l'amélioration du bilan carbone du territoire. L'agroforesterie présente de nombreux intérêts environnementaux que ce soit à l'échelle de l'agroécosystème, de l'exploitation agricole ou, plus globalement, d'un territoire. Son efficacité carbone au regard des objectifs de limitation des émissions de gaz à effet de serre, arrêtés dans la plupart des PCET voire dans les schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie, reste toutefois subordonnée à un taux important de conversion des surfaces agricoles adaptées. En effet, les potentiels unitaires de séquestration de carbone évalués pour les différents systèmes agroforestiers les plus couramment rencontrés, sont relativement modestes. Même en comptabilisant les économies dues à la substitution d'énergie fossile ou de matériaux avec une plus forte empreinte carbone, pour que cette technique puisse constituer un levier efficace de réduction des émissions de gaz à effet de serre sur le territoire concerné et contribuer, autrement qu'à la marge, aux objectifs de réduction, il sera indispensable de mobiliser une part importante des superficies identifiées comme étant favorables par l'outil cartographique. La mise en place de dynamiques concertées visant à convaincre les agriculteurs concernés de la pertinence de cette approche est donc indispensable. L'animation de réseaux locaux sous l'égide d'un acteur public ayant légitimité à proposer ces politiques de développement de territoire doit ainsi faire appel à une méthodologie rigoureuse de conduite de projet. La collectivité qui pilote le PCET a évidemment un rôle important à jouer, en synergie avec les représentants du monde agricole. L'agroforesterie ne doit cependant pas être regardée au travers du seul prisme " carbone " et la collectivité peut trouver dans la mise en oeuvre massive de cette technique des avantages écologiques induits tout à fait intéressants : -protection des ressources en eau potable (forte diminution des fuites de nitrates), -création de corridors écologiques (trame verte et bleue), -mise en place d'un paysage plus attractif, -lutte contre l'érosion des sols… Enfin, si les bénéfices économiques sont difficiles à quantifier pour un territoire, il ne fait pas de doute que l'agroforesterie est en mesure de venir contrebalancer certaines externalités négatives occasionnées par les productions agricoles conventionnelles, justifiant d'autant une implication de la collectivité.