Objectif Discussion des differences de concentration en xenobiotiques dans plusieurs echantillons de sang post-mortem. Methode Madame E (60 ans), souffrant d’un cancer du canal anal avec metastases, est hospitalisee le 15.10.2018 en soins palliatifs a l’hopital de Fribourg (Suisse). Pendant son hospitalisation, Madame E a recu en autres de la morphine (MST Continus® 80 mg/j jusqu’au 18.10.2018 puis 60 mg/j et Morphine HCL® 60 mg/j jusqu’au 24.10.2018 puis 90 mg/j et un bolus de 6 mg le 25.10.2018), de la pregabaline (600 mg/j), du midazolam (Dormicum® 7.5 mg/j) et de la methadone (5 mg/j). Son etat general se degrade rapidement et Madame E decede le 25.10.2018. Le medecin traitant de Mme E. accusant l’hopital d’avoir donne trop d’opiaces, le procureur a ordonne une autopsie ainsi que des analyses toxicologiques. A l’autopsie, environ 5 mL de sang peripherique et 50 mL de sang cardiaque ont ete preleves. Un screening sanguin a ete effectue dans le sang cardiaque par GC-MS. Les substances d’interets ont ete quantifiees dans le sang peripherique par GC-MS (morphine et methadone) ou par LC-MS/MS (pregabaline, midazolam). Douze autres echantillons de sang ont egalement ete preleves au moment de l’autopsie (par ex. veine cave inferieure, veine porte, veine sous-claviere, oreillette du cœur, veine femorale, veine du bas de la jambe) et conserves a −20 °C. La morphine, la methadone et la pregabaline ont ete quantifiees dans ces echantillons 4 mois plus tard (et 2e analyse de confirmation encore 3 mois plus tard). Resultats Le screening sanguin a permis de detecter de la morphine, du midazolam, de la methadone, du metamizole, du metoclopramide et de la pregabaline. Les analyses quantitatives dans le sang peripherique ont revele les concentrations suivantes (interpretations faites selon Baselt R.C. Biomedical Publications, Seal Beach, CA/USA, 11e Edition, 2017) : morphine 143 μg/L (au-dessus du domaine therapeutique), methadone 36 μg/L (sous le domaine therapeutique), midazolam 46 μg/L (concentration therapeutique) et pregabaline 113 mg/L (concentration toxique voire letale). L’expertise de la medecin-legiste indique que Madame E souffrait d’une hypertension, d’une sous-nutrition et d’une bronchopneumopathie chronique obstructive ainsi que d’une infection dans la region du bassin et la region anale avec formation de thromboses et perturbation du flux sanguin accentuee dans la jambe droite. L’autopsie a revele que le cœur, les poumons et les reins avaient souffert anterieurement de maladies chroniques. L’insuffisance renale pourrait expliquer la concentration tres elevee de pregabaline mesuree dans le sang post-mortem. D’un point de vue medico-legal, il ne peut pas etre determine si un arret de la medication de pregabaline aurait permis de retarder la mort de Madame E. Selon la medecin-legiste, la mort serait naturelle : deces par arret cardiaque en raison de maladies chroniques du cœur et des poumons. Dans les 12 echantillons de sang differents, la pregabaline a ete mesuree de 27,9 a 38,1 mg/L, la methadone de 12,4 a 106 μg/L et la morphine de 74,5 a 6745 μg/L. Conclusion La morphine et la methadone peuvent presenter une redistribution post-mortem (Baselt R.C.), nous n’avons pas d’indication concernant la redistribution post-mortem de la pregabaline. Cependant, la redistribution post-mortem ne peut pas a elle seule expliquer la difference de concentration entre echantillons pouvant etre jusqu’a 90 fois plus elevee d’un echantillon sanguin a l’autre. Une explication possible serait la facon dont le prelevement est effectue. Deux echantillons de veine cave inferieure ont ete preleves : un par ponction (morphine 1945 μg/L) et un par “puisage” (morphine 806 μg/L). D’autres etudes et prelevements doivent encore etre realises pour etayer cette theorie.