1. « Politiquement rock » ou comment réinventer la Russie mine de rien
- Author
-
Landry, Tristan
- Abstract
Fernand Braudel a écrit que « La “civilisation industrielle” exportée par l’Occident n’est qu’un des traits de la civilisation occidentale » et qu’« en l’accueillant le monde n’accepte pas, du même coup, l’ensemble de cette civilisation, au contraire ». L’on pourrait dire la même chose de la culture dite « globale » qui ne signifie pas nécessairement l’homogénéisation des cultures locales. La culture globale est un moyen de gérer le passé « local », en ce sens où les modèles que véhicule cette culture sont autant de moyens de composer sur le souvenir et aussi sur le deuil de la culture nationale. L’auteur a recours à un modèle binaire (culture poly-/monostylistique) développé, à la suite de Lotman et d’Ouspenski, par Leonid Ionin. L’application de ce modèle à des textes de chansons rock, de même que la présentation d’interviews de musiciens permettent de comprendre l’esthétique du rock russe comme une culture se posant en s’opposant à la culture soviétique antérieure, se construisant en déconstruisant l’ancienne « esthétique politique de fin du monde ». Dans ce travail de reconstruction, la « culture globale » offre des ressources importantes en tant que culture « non contaminée » (ou du moins perçue comme telle par les artistes). À cet égard, le rock russe contemporain évoque irrésistiblement un mouvement artistique contemporain de la perestroika, le Sots-Art, où le langage hyperbolique du Pop-Art avait servi à déconstruire l’esthétique du réalisme socialiste. Mais si le Sots-Art était préoccupé directement par le politique, c’est plutôt par son désintérêt pour la politique que le rock russe entend, lui, changer la vie de tous les jours., Fernand Braudel has written that ‘“industrial civilization’ is only one of the features of western civilization” and that “in accepting it, the world does not necessarily by the same token accept the whole of this civilization — quite the contrary”. One could well say the same thing about so-called “global” culture, which does not necessarily represent the homogenization of local cultures. Global culture is a means of managing the “local” past, in that the models conveyed by this culture can be seen as ways of dealing with the memory as well as the mourning of national cultures. In this article, the author uses a binary model of poly- or monostylistic cultures developed by Leonid Ionin, following Lotman and Oupenski. He applies it to rock song lyrics and presents interviews with musicians. This analysis enables the aesthetic of Russian rock to be understood as a culture that situates itself in opposition to the old soviet culture, that constructs itself by deconstructing the old “political aesthetic of the end of the world”. “Global culture” offers significant resources in this work of reconstruction, as a culture that is “uncontaminated” (or is at least perceived to be so by the artistes). In this sense, contemporary Russian rock irresistibly evokes the Sots-Art artistic movement of perestroïka, in which the language of Pop-Art was put to use in the deconstruction of the socialist realist aesthetic. But whereas Sots-Art was directly preoccupied by politics, it is rather through its lack of interest for politics that Russian rock intends to change everyday life.
- Published
- 2000