Richard, Fabienne, Meuris, Sylvain, Zhang, Wei Hong, Godin, Isabelle, Dujardin, Bruno, de Bernis, Luc, de Brouwere, Vincent, Buekens, Pierre, and Delvaux, Thérèse
La césarienne est une intervention obstétricale majeure qui peut sauver la vie de la mère et de l’enfant. En Afrique sub-saharienne, il persiste une grande inégalité d’accès à la césarienne et une grande variation des pratiques autour des indications d’intervention. D’un côté, des barrières financières, géographiques, culturelles privent des femmes d’une intervention qui peut sauver leur vie. De l’autre, la pratique grandissante de césariennes sans indication médicale, dans un contexte de mauvaise qualité de soins, entraine une sur-morbidité et mortalité iatrogènes et évitables. L’objectif de notre thèse est de contribuer à une meilleure connaissance des déterminants d’une césarienne de qualité et de montrer comment en situation réelle (cas d’un district urbain au Burkina Faso) on peut agir sur ces déterminants pour améliorer la qualité des césariennes. Dans le cadre d’un projet multidisciplinaire (santé publique, mobilisation politique et sociale, anthropologie) d’Amélioration de la QUalité et de l’Accès aux Soins Obstétricaux d’Urgence - le projet AQUASOU (2003-2006) - nous avons pu mettre en œuvre des activités visant à améliorer l’accès à une césarienne de qualité dans le district du Secteur 30) à Ouagadougou, Burkina Faso. Nous avons mené une étude Avant-Après et utilisé des méthodes d’évaluation mixtes quantitatives et qualitatives pour comprendre dans quelle mesure et comment ce type d’approche globale améliore la qualité de la césarienne. Nous avons utilisé le cadre d’analyse de Dujardin et Delvaux (1998) qui présente les différents déterminants de la césarienne pour organiser et structurer nos résultats. Cette expérience s’étant déroulée dans le cadre d’un projet pilote nous avons également évalué le degré de pérennité du projet AQUASOU quatre ans après sa clôture officielle et analysé sa diffusion au niveau région et national. Le cadre d’analyse de la césarienne de qualité avec ses quatre piliers (Accès, Diagnostic, Procédure, Soins postopératoires) a permis d’aller au-delà de la simple évaluation de la qualité technique de l’acte césarienne. Il a structuré l’analyse des différentes barrières à l’accès à la césarienne comme par exemple l’acceptabilité des services par la population et le coût de la prise en charge. L’analyse des discours des femmes césarisées a mis en lumière le sentiment de culpabilité des femmes d’avoir eu une césarienne - ne pas avoir été « une bonne mère » capable d’accoucher normalement. Les questionnements sur la récurrence de la césarienne pour les prochaines grossesses, les dépenses élevées à la charge du ménage, la fatigue physique et les complications médicales possibles après l’opération mettent la femme dans une situation de vulnérabilités plurielles au sein de son couple et de sa famille. L’évaluation du système de partage des coûts pour les urgences obstétricales mis en place en 2005 dans le district du Secteur 30 a montré qu’il était possible de mobiliser les collectivités locales de la ville et des communes rurales pour la santé des femmes. La levée des barrières financières a pu bénéficier à la fois aux femmes du milieu urbain et rural mais l’écart d’utilisation des services entre le milieu de résidence n’a pas été comblé et cela confirme l’importance des barrières géographiques (distance, route impraticable pendant la saison des pluies, manque de moyen de transport) et socioculturelles. L’étude sur le rôle des audits cliniques ou revues de cas dans l’amélioration de la qualité des soins a montré que les soignants avaient une bonne connaissance du but de l'audit et qu’ils classaient l'audit comme le premier facteur de changement dans leur pratique, comparé aux staffs matinaux, aux formations et aux guides cliniques. Cependant, l’institutionnalisation des audits se révèle difficile dans un contexte de manque de ressources qui affecte les conditions de travail et dans un environnement peu favorable à la remise en question de sa pratique professionnelle. L’évaluation de la pérennité du projet pilote quatre ans après la fin du soutien financier et technique montre que les bénéfices pour la population sont toujours là en terme d’accessibilité à la césarienne :coûts directs pour les ménages de 5000 FCFA (US $ 9.8), qualité des soins maintenue avec une diminution de la mortalité périnatale précoce pour les accouchements par césarienne de 3,6% en 2004 à 1,8% en 2008. L’étude de l’impact du projet AQUASOU au niveau régional montre, contrairement à ce qu’il était prévu, qu’il n’y a pas eu de diffusion transversale de l’innovation (réplication des activités dans les autres districts de Ouagadougou suite à des échanges et visites entre les équipes). Par contre il y a eu une diffusion verticale et une institutionnalisation de certains travaux réalisés par le district du secteur 30. Ainsi plusieurs outils ont été validés et ont servi de base pour des guides et des politiques nationales (guide national des audits des décès maternels, subvention nationale des accouchements et des soins obstétricaux et néonatals d’urgence). Si la césarienne a révolutionné la pratique en obstétrique, elle ne peut à elle seule diminuer drastiquement la mortalité maternelle. La première cause de mortalité maternelle dans l’hôpital de district reste l’hémorragie (38%), en particulier l’hémorragie du post-partum. Les causes indirectes (25%) telles que l’anémie sévère à 6 ou 7 mois de grossesse (50% des causes indirectes dans notre série), le paludisme ou le VIH/SIDA représentent la deuxième cause de mortalité maternelle intra-hospitalière. Le fait que la césarienne soit rendue plus accessible par les différentes stratégies en cours (système de partage des coûts, subvention nationale pour les accouchements et les SONU, mutuelles,…) ne doit pas occulter les autres éléments des soins obstétricaux d’urgence non chirurgicaux comme l’accès à la transfusion en cas d’hémorragie sévère ou l’accès aux antibiotiques et aux soins de réanimation pour la prise en charge de complications sévères d’avortements. Les co-infections, l’état nutritionnel des femmes enceintes et les anémies de la grossesse nécessitent également l’attention en amont avant l’arrivée à l’hôpital (en pré-conceptionnel ou pendant la grossesse), et restent encore trop peu explorés et pris en charge. Nous pensons que le modèle de césarienne de qualité présenté dans cette thèse et testé à la situation du Burkina Faso permet à la fois d’analyser ce qui se passe en matière d’accès à la césarienne de qualité mais peut également aider les décideurs à formuler et mettre en place les stratégies nécessaires pour un accès à la césarienne de qualité pour toutes les femmes qui en ont besoin. Caesarean section (CS) is a major obstetrical intervention which can save the life of a mother and her child. In sub-Saharan Africa, great inequality still exists with respect to access to CS, and there are wide variations in practice regarding the indications for an intervention. Two major factors are at play. First, there are financial, geographical, and cultural barriers that deprive women of an intervention that could save their lives. Second, the growing practice of CS in the absence of medical indications in a poor quality of care environment leads to an iatrogenic state and a preventable excess of morbidity and mortality. The objective of this thesis is to contribute to a better understanding of the determinants of a quality CS intervention, and through using a case-study from an urban district in Burkina Faso, demonstrate how it is possible to both act on and influence these determinants in order to improve the quality of CS. As part of a multidisciplinary project (public health, political and social mobilization, and anthropology) to improve quality and access to emergency obstetric care – the AQUASOU project (Amélioration de la QUalité et de l’Accès aux Soins Obstétricaux d’Urgence, 2003-2006) - we were able to implement several activities tied to improving access to quality CS in the District of Secteur 30 in Ouagadougou, Burkina Faso. We undertook a ‘before-after study’ and used mixed- methods evaluation combining quantitative and qualitative data and information to understand to what extent and how this type of comprehensive approach can improve the quality of CS. We used the analytical framework of Dujardin & Delvaux (1998) which highlights the different determinants of quality CS in order to organize and structure our results. Since this study was conducted as part of a ‘pilot project’ we also evaluated the sustainability of the AQUASOU project four years after its official end date in order to analyze its diffusion and impact at the regional and national level. The quality CS analytical framework, with its four pillars (Access, Diagnosis, Procedure, Post-operative care), has enabled us to go beyond simply assessing the technical quality of the surgical procedure. The framework has structured our analysis of the various barriers to access to CS including, for example, the acceptability of services by the population and the cost of care. The analysis of the experiences of women who have undergone a CS highlighted in the main, their feelings of guilt in the aftermath of a CS. Other concerns included; the feeling of not being a "good mother" who is capable of giving birth normally-tied to concerns about a need for a CS in future pregnancies, the high costs that this might incur for their families/households, general fatigue and possible medical complications after surgery. All these factors have placed women in a situation of multiple personal and emotional vulnerabilities in their marital relationship and with their extended families. An evaluation of the cost-sharing scheme for obstetric emergencies started in 2005 in the District of Secteur 30 and it demonstrated that it is possible to mobilize the local communities at rural and urban level to improve women’s health. The removal of financial barriers has benefitted women in both urban and rural areas, but the gap in service uptake between urban and rural areas remains and confirms, in particular, the importance of geographical factors (distance, inaccessible roads especially during the rainy season, lack of the means of transport) as well as socio-cultural barriers. The study of the role of clinical audits and case reviews in improving the quality of care showed that caregivers generally had a thorough knowledge of the purpose of the audits. Maternity staff listed clinical audits as the major factor of change of their practice rating it ahead of morning staff, training and clinical guidelines. However our research also found that the institutionalization of audits is difficult both in the context of a working environment that is not conducive to the questioning of clinical practice and in a resource poor setting, which impacts on working conditions. An assessment of the sustainability of the AQUASOU project, four years after the financial and technical support ended, shows that the benefits for the population remain in terms of improved access to quality CS: the direct cost to a household for a CS is 5000 FCFA (US $ 9.8), additionally the quality of care has been maintained with early perinatal mortality for CS births declining from 3.6% in 2004 to 1.8% in 2008. The assessment of the impact of the AQUASOU project, especially at the regional level, highlighted some unexpected results. For example, there was no transversal diffusion of the innovation described (such as the replication of activities in other districts of Ouagadougou following exchanges between the different district teams and visits of the project site). In contrast there has been some vertical diffusion and institutionalization at the national level of some of the achievements of the District of Secteur 30. Thus, several tools utilized by the AQUASOU project have been accepted and been validated. These have served as the basis for national guidelines and policies (e.g. national guideline for audits of maternal deaths, a national subsidy for delivery and emergency neonatal and obstetric care - EmNOC). If CSs have revolutionized practice in obstetrics they can not alone drastically reduce maternal mortality. The leading cause of maternal mortality in the district hospital continues to be bleeding (38%), especially postpartum haemorrhage. In addition, indirect causes (25%) such as severe anaemia at 6 or 7 months of pregnancy (50% of indirect causes in our series), malaria, HIV / AIDS are the second major cause of hospital maternal mortality. Finally the fact that CS is made more accessible by a number of existing strategies (cost-sharing scheme, national subsidy for deliveries and EmNOC, community health insurance, ) should not overshadow the non surgical elements of emergency obstetric care such as having access to a blood transfusion in the event of severe bleeding, or access to antibiotics and intensive care for management of the severe complications of abortions. Co-infections, the nutritional status of pregnant women and anaemia in pregnancy, also require attention (either pre-conception or during pregnancy) ahead of any arrival at a hospital for a delivery. These factors remain insufficiently explored and inadequately addressed by the health system. We believe that the model of access to quality CS presented in this thesis, and which has been tested in the context of an urban district of Burkina Faso, can be utilized as a framework to analyze the level of access to quality CS. We hope that it can also act as a tool to enable policy makers to formulate and implement strategies for improving access to quality CS for all women in need., Doctorat en Sciences de la santé publique, info:eu-repo/semantics/published