Boillet, Elise, Centre d'études supérieures de la Renaissance UMR 7323 (CESR), Ministère de la Culture et de la Communication (MCC)-Université de Tours (UT)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Philiep Bossier, Harald Hendrix, Paolo Procaccioli, Boillet, Elise, and Philiep Bossier, Harald Hendrix, Paolo Procaccioli
Alors qu'il accède aux importantes charges de maître des requêtes de Marguerite de Navarre et d'aumônier de François Ier, Jean de Vauzelles, prieur de Montrottier, publie à Lyon entre 1539 et 1542 les traductions des paraphrases bibliques, parues à Venise entre 1534 et 1538, de son contemporain italien Pietro Aretino, auteur laïc par ailleurs bien connu pour la virulence de sa plume satirique et l'audace de sa production profane. --- Derrière l'admiration apparemment sans borne qu'il exprime dans sa correspondance, Jean de Vauzelles se montre très attentif, dans les lettres de dédicace de ses traductions, à se démarquer du célèbre " Fléau des princes ", tirant parti, à des fins de stratégie politique comme de propagande religieuse, tout à la fois de la persistance d'un comportement jugé répréhensible et d'un itinéraire de conversion indiqué comme exemplaire. --- L'enjeu et la portée des traductions vauzelliennes apparaissent en outre dans le rapprochement avec d'autres publications de Vauzelles, la traduction parue en 1526 de l'harmonie évangélique de l'humaniste allemand Ottmar Nachtgall, et surtout Les simulachres et historiees faces de la Mort, illustrées de gravures d'Hans Holbein, parues en 1538. La modernité que Vauzelles saisit chez l'Arétin est celle d'un style inventif capable, tout en restant dans les limites de la " vraisemblance chrétienne ", de donner à voir la matière sacrée pour un public composé aussi bien de " mondains " que de " spirituels ". À l'heure où les langues nationales s'affirment comme des langues littéraires, l'édification peut et doit s'appuyer sur le plaisir que procure l'expression, élégante jusqu'à la manière, d'une pensée subtile jusqu'au paradoxe. --- C'est aux deux mondes non cloisonnés de la cour et du couvent que l'ecclésiastique lyonnais destine cette finesse de langage et de pensée, soutenant les volontés réformatrices de sa protectrice et s'appuyant, de façon à première vue surprenante, sur la veine religieuse mais aussi satirique du laïc italien qui avait violemment dénoncé, avec la bénédiction tacite des autorités vénitiennes du milieu des années 1530, la " puanteur " se dégageant de couvents féminins corrompus dans un dialogue intitulé Ragionamento della Nanna e della Antonia qui renversait, sur le thème des différents états de la femme, les codes de ce genre littéraire.