Les objectifs de cette étude sont de déterminer si les fossiles d’Hominidés retrouvés en Asie du Sud-est représentent un ou plusieurs taxons, d’identifier ceux-ci, de mesurer les distances entre ces taxons et de les comparer à celles existant entre des espèces et sous-espèces actuelles phylogénétiquement proches (grands singes). Pour cela, nous avons utilisé les nouvelles méthodes de morphométrie géométrique. Vingt points repères tridimensionnels ont été numérisés sur un échantillon de 110 crânes : 18 spécimens fossiles issus d’Asie et datés de 6 000 à 1 150 000 ans, 31 spécimens d’Homo sapiens actuels, 31 spécimens de chimpanzés et 30 spécimens de gorilles. La méthode Procruste a été appliquée afn de séparer la variable taille des variables de conformation. Nous avons utilisé une nouvelle méthode originale en trois étapes, dans une démarche logique et objective. 1) La variabilité globale des quatre groupes a été explorée avec différents indices (variance, distances euclidiennes et de Manhattan). 2) Afin de s’affranchir des regroupement arbitraires de fossiles dans des catégories taxonomiques pré-établies, des analyses en composantes principales (ACP) et de classification (Neighbor Joining et UPGMA) ont permis d’identifier des sous-groupes au sein des quatre groupes (fossiles, H. sapiens, chimpanzés et gorilles). 3) Enfin, les distances de Mahalanobis entre ces différents sous-groupes ont été mesurées et comparées entre elles. Les résultats montrent que la variabilité globale des fossiles est significativement supérieure à celle des H. sapiens. Elle est également supérieure, mais de manière non significative, à celle des chimpanzés d’une part et des gorilles d’autre part. Les méthodes de classification et d’ACP ont permis d’identifier deux groupes au sein de l’échantillon des fossiles : un groupe d’affinité H. erectus et un autre d’affinité H. sapiens. La plus grande distance de Mahalanobis est observée entre les gorilles et les H. sapiens, puis entre les chimpanzés et les H. sapiens. Suit la distance entre les chimpanzés et les gorilles, qui est très proche de celle entre les H. sapiens actuels et les H. erectus. Cette dernière est proche de la distance entre les H. sapiens fossiles et les H. erectus. En revanche, la distance entre les H. sapiens fossiles et actuels est nettement inférieure et est comparable aux distances observées entre les différents sous-groupes identifiés au sein des H. sapiens actuels, des chimpanzés et des gorilles. Cette nouvelle méthode originale a permis de conclure que les fossiles étudiés appartiennent bien à deux taxons différents. Le premier (les H. sapiens fossiles) peut être considéré comme appartenant au même taxon que celui des hommes actuels. Le deuxième appartient à un taxon différent. The objectives of this study were to determine whether the fossils discovered in Asia belong to one or several taxa, to identify them and to compare the distances between them to the distances between actual groups and species of anthropoids. For this purpose, we have used new geometric morphometric methods. Twenty three dimensional landmarks were digitized on 110 skulls: 18 fossils from Asia dated between 1,150,000 years and 6,000 BC, 31 modern Homo sapiens, 31 chimpanzees and 30 gorillas. Landmarks were registered by Generalized Procruste Analysis. We used a logical and objective method with three steps. 1) The taxa variabilities were explored by using several distance indices (variance, Euclidean and Manhattan distances). 2) We have chosen not to arbitrarily group fossils in established taxonomic categories: Principal component analysis (PCA) and hierarchical classification methods (UPGMA and NJ) were applied to identify subgroups for each of the four taxa. Finally, Mahalanobis distances between identified groups and subgroups were calculated and compared between each other. The overall variability was larger for the fossil group than for any of the three actual species, although the difference was statistically significant only for the comparison to the modern H. sapiens. Classification and PCA analysis identified two subgroups within the fossil group: one with an H. sapiens affinity and the other with an H. erectus affinity. The Mahalanobis distances were ordered as follows (decreasing order): gorilla/modern H. sapiens, chimpanzee/modern H. sapiens, chimpanzee/gorilla which was very similar to the distance between modern H. sapiens and H. erectus. This last distance was similar to the one between fossil H. sapiens and H. erectus. Distances between modern and fossil H. sapiens and between subgroups of actual species were similar and less than the preceding ones. We finally concluded that the fossils belong to two different taxa. The first (fossil H. sapiens) belongs to the same taxon as modern H. sapiens and the second, H. erectus, is different.