Dans ce mémoire, tant dans la partie création que recherche, je m’emploie à penser l’expérience du sublime. Je dis « expérience » parce que le sublime n’est ni un contenu ni une forme. C’est le fait pour le sujet d’éprouver et d’épouser ses propres limites, à savoir celles du corps et de l’entendement. Confronté aux bornes de son imagination, il découvre sa vocation métaphysique et aspire à ce qui le dépasse. En un mot, il y va d’une expérience paradoxale, car ce qui vulnérabilise renforce à la fois. J’aborde dans ma nouvelle, Le testament de Cassandre, cette épreuve du sublime par laquelle la souffrance se fait offrande. Le personnage éponyme en fait l’expérience dans sa portée la plus tragique. Renonçant à s’affranchir de la mort au nom de ce qui la rattache aux siens, Cassandre préfèrera le néant avec eux à l’éternité seule. S’il n’y a pas de lieu à proprement parler du sublime, il y a des espaces où il est susceptible de surgir, d’éclore. Le fragment, écriture de la dissémination et de l’organicité, en est un. À l’instar du sublime, il s’offre comme une force à l’œuvre plutôt qu’une forme donnée. De là la pertinence de les étudier ensemble, dans des œuvres où ils se rencontrent, et selon une approche esthétique, domaine par excellence du sensible. C’est dans cette perspective que mon essai, L’épreuve initiatrice, esthétique du sublime dans À travers un verger de Philippe Jaccottet et Les Amandiers de Thierry Hentsch, se penche sur les récits fragmentaires de Jaccottet et de Hentsch qui, en butte à l’inconcevable, avouent leur désœuvrement, mais accusent le coup, se ramassent et s’y exposent, encore., My goal in the following work, as much in the research component as the creative component, is to think the « experience » of the sublime. I say « experience » because the sublime is neither form nor content. It is the subjective act of grasping and surpassing our own limits as they manifest in the mind and body, specifically with regards to the faculty of understanding. Confronted with the frontiers of our imagination, we come to know our metaphysical calling and we seek to transcend it. This experience is paradoxical in the sense that it renders us vulnerable, while also strengthening and reinforcing us. In my short story Le testament de Cassandre, I explore the challenge of coming to grips with the sublime. As the titular character traverses great suffering – the sublime’s tragic gift – she must choose between freedom from death or a lifetime with those she loves. Faced with this cruel choice, Cassandre prefers the cold embrace of nothingness to an eternity alone. The sublime has no single domain, although there are spaces where it is more likely to emerge or to bloom. Writing in fragments (fragmentary writing) – a style that is at once organic and diffuse – is one of those spaces. Like the sublime, writing in fragments resists form while transmitting force and power. Hence the pertinence of studying this style and the sublime together in works where they are both present. It is from this perspective that my essay The Initiating Test: The Aesthetic of the Sublime in À travers un verger by Philippe Jaccottet and Les Amandiers by Thierry Hentsch, examines the fragmentary accounts of Jaccottet and Hentsch who, in the face of the unthinkable, admit to their own lassitude while simultaneously blaming their circumstances, only to gather themselves anew to be exposed once again.