La drépanocytose est la principale cause d'asplénie fonctionnelle, mais peut également se compliquer d'hypersplénisme ou de séquestration splénique aiguë (SSA), surtout chez l'enfant. Ces complications nécessitent parfois une splénectomie chirurgicale dont les conséquences à long terme sont méconnues chez le drépanocytaire. Dans diverses autres conditions, la splénectomie est associée, outre au risque infectieux, à un surrisque de thrombose et d'hypertension pulmonaire (HTP). L'objectif de cette étude est de caractériser le phénotype des patients drépanocytaires adultes SS et Sβ0 ayant subi une splénectomie. Cette étude rétrospective, monocentrique, incluait tous les patients drépanocytaires SS et Sβ0 suivis dans notre centre de référence entre 2015 et 2021 pour lesquels l'antécédent de splénectomie était connu. Les caractéristiques démographiques, biologiques et les traitements étaient recueillis. La prévalence de différentes complications aiguës (évènements vaso-occlusifs mais aussi thromboemboliques veineux [ETEV]) et chroniques de la drépanocytose était comparée entre patients splénectomisés ou non. Les facteurs associés à la splénectomie ont été recherchés par régression logistique multivariée. Trois cent soixante patients, d'âge médian 28,6 ans [22,8–35,9], ont été inclus. Quarante-deux (11,4 %) avaient été splénectomisés à un âge médian de 9,5 ans [7,2–15,5]. L'indication prédominante était l'antécédent de SSA. Les patients splénectomisés étaient plus jeunes (âge médian de 23,2 contre 29,2 ans ; p = 0,006), plus fréquemment de génotype Sβ0 (21,4 % contre 2,2 % ; p < 0,001) et plus souvent traités par hydroxyurée (90,2 % contre 74,5 % ; p = 0,042) que les non splénectomisés. Ils avaient présenté plus d'ETEV (associant embolie pulmonaire en dehors d'un syndrome thoracique aigu (STA) et thrombose veineuse profonde) (22,5 % contre 8,6 % ; p = 0,022) que les témoins, et ce risque restait significatif après ajustement sur l'âge et le génotype (OR = 3,8 ; IC95 % [1,2–11,2] ; p = 0,015). Ces ETEV étaient survenus en médiane 12,3 ans [2,2–21,6] après la splénectomie. En analyse multivariée, la splénectomie était également associée au trait α-thalassémique (OR = 3,8 ; IC95 % [1,3–11,3] ; p = 0,015). La fréquence des autres complications aiguës et chroniques était similaire entre les groupes. Il n'était notamment pas retrouvé de surrisque d'accident ischémique cérébral ou d'HTP. La prévalence des infections n'a pas pu être évaluée de façon robuste du fait d'un grand nombre de données manquantes. Dans notre étude, la splénectomie était davantage réalisée chez des patients drépanocytaires Sβ0 et α-thalassémiques. Ces génotypes pourraient prédisposer à une persistance de la splénomégalie, propice à des complications menant à une splénectomie. Par ailleurs, la splénectomie était associée à la survenue d'ETEV. Les mécanismes menant aux complications thrombotiques après une splénectomie (bien que majoritairement non élucidés), impliquent probablement les globules rouges sénescents non épurés, dont le profil lipidique membranaire est réputé procoagulant. Ainsi, la préservation d'un tissu splénique, même minime, pourrait être plus importante qu'initialement envisagée chez le drépanocytaire, en conférant une protection vis-à-vis des thromboses. Ces résultats doivent inciter à considérer ces patients adultes comme à surrisque de thrombose ce qui pourrait avoir des répercussions thérapeutiques dans des situations cliniques très à risque de thrombose. [ABSTRACT FROM AUTHOR]