La terre a traversé plus de 4 milliards d’années en gardant à sa surface des températures compatibles avec la vie la plupart du temps. Le cycle géologique du carbone au travers l’érosion des roches et des éruptions volcaniques contribue avec d’autres processus à réguler le climat. Cependant, à travers le temps, la co-évolution entre les organismes vivants et leur environnement aboutit parfois à des ruptures de la chimie de l’atmosphère (gaz à effet de serre, GES) et du climat entrainant une extinction des espèces. Ainsi l’Homme peut être vu comme la dernière innovation technique de l’évolution en passe de provoquer un accident climatique et écologique global. La combustion d’énergie fossile et l’agriculture et ont fait passer la teneur en CO2 atmosphérique, principal GES, de 280 à 400 ppm en 150 ans avec des conséquences visibles sur les glaciers, le climat et le niveau des mers. Ces modifications anthropiques s’accompagnent d’une chute de la biodiversité. Les prévisions pour le 21ème siècle prévoient une accélération des émissions de GES et des événements climatiques extrêmes qui devraient entrainer des déplacements de populations et des conflits. Cependant, à l’inverse des autres espèces par le passé, l’Homme a la capacité de prendre conscience de ces changements et d’en corriger la trajectoire. Outre, les défis socioéconomiques que posent le changement climatique et qui ne sont pas le sujet de ce manuscrit, l’Homme a besoin de connaissances sur le fonctionnement des écosystèmes en lien avec la biodiversité afin d’anticiper les effets du réchauffement et de disposer de leviers d’actions. Ce manuscrit d’HDR résume quinze années de recherche sur les cycles biogéochimiques des écosystèmes terrestres dans un contexte de changement climatique et de développement d’une agriculture durable. Mes travaux de recherche ont contribué à 1) explorer les métabolismes et les facteurs contrôlant les flux de carbone et d’azote, en particulier dans le sol et la rhizosphère des plantes, 2) identifier les stratégies de vie des microorganismes décomposeurs et des plantes au regard de ces cycles et 3) une analyse systémique des échanges de matière entre les organismes vivants afin de comprendre les cascades d’effet et les boucles de rétroactions. La finalité première de mes recherches est de prévoir l’impact des changements globaux (réchauffement climatique, chimie de l’atmosphère et modèles agricoles) sur les services écosystémiques adossés aux processus biogéochimiques (productions, stockage de carbone...). Les résultats indiquent une capacité des sols des écosystèmes peu perturbés et diversifiés (prairies permanentes, forêts) à accumuler des matières organiques créant un puits de carbone. Le stockage de carbone dans les sols n’augmente pas nécessairement avec les entrées de carbone, il peut même diminuer. Ainsi l’augmentation de la production primaire sous CO2 élevé n’augmentera pas ou peu le puits de carbone. Cependant, les retombées d’azote atmosphérique, la fixation symbiotique et la dégradation des roches par les mycorhizes devraient intensifier le puits de carbone en levant les contraintes stœchiométriques (azote, phosphore) des plantes et des microorganismes stockeurs de carbone du sol. Le transfert du carbone organique du sol dans les horizons profonds permet un stockage de celui-ci pendant des millénaires dans certaines conditions. Cependant, un changement de profondeur d’enracinement des végétaux peut soudainement réactiver sa minéralisation en CO2 par les microorganismes de la rhizosphère. Mes investigations ont mis en lumière le paradoxe de la synchronisation entre l’offre microbienne en nutriments minéraux et la demande des végétaux dans les écosystèmes naturels. Défi majeur en l’agriculture, cette synchronisation a très peu de chances de se produire de manière spontanée puisqu’elle dépend de deux organismes indépendants dont les réponses à l’environnement diffèrent. Un mécanisme de régulation ajustant l’offre à la demande a été identifié : deux groupes fonctionnels microbiens créent un tapis roulant de nutriments minéraux sur lequel se nourrit la plante. De cette façon de grandes quantités de nutriments peuvent être transférée du sol à la plante tout en évitant les pertes par lessivage et dénitrification. Il semblerait que les cultures annuelles aient perdu ce mécanisme de synchronisation offre-demande expliquant leur piètre performance environnementale. Cependant, l’association d’un blé avec des plantes pérennes a permis de rétablir la synchronisation offre-demande et les services qui lui sont associés. Ces résultats suggèrent de nouvelles pistes de recherche. La biodiversité contribuerait à créer des systèmes auto organisés où les échanges de matière sont optimisés afin de garantir la pérennité des parties et une utilisation de l’énergie lumineuse maximisée dans le temps. Elle pourrait également contribuer à adapter les écosystèmes aux évolutions climatiques. Ainsi le rôle de la coopération entre les organismes vivants dans le processus de sélection naturelle et le fonctionnement des écosystèmes pourrait être largement sous-estimé. S’inspirant de ces nouvelles connaissances, des nouveaux systèmes de culture bio-diversifiés et à hautes performances environnementales peuvent être conçus., The earth has passed more than 4 billion years, keeping on its surface temperatures compatible with life most of the time. The geological cycle of carbon through erosion of rocks and volcanic eruptions contributes with other processes to regulate the climate. However, over time, the co-evolution between living organisms and their environment sometimes leads to breaks in the chemistry of the atmosphere (greenhouse gases, GHGs) and climate leading to species extinction. Humans can be seen as the latest technical innovation of evolution causing a global climatic and ecological accident. The combustion of fossil fuels and agriculture has increased the atmospheric CO2 concentration, the main GHG, from 280 to 400 ppm in 150 years with visible consequences on glaciers, climate and sea levels. These global changes are accompanied by a drop in biodiversity. Forecasts for the 21st century predict an acceleration of GHG emissions and extreme weather events that should lead to population displacements and conflicts. However, unlike other species in the past, humans have the capacity to become aware of these changes and to correct their trajectory. In addition to the socio-economic challenges posed by climate change, which are not the subject of this manuscript, humans need knowledge on the functioning of ecosystems in relation to biodiversity in order to anticipate the effects of global warming and to levers of action. This HDR manuscript summarizes fifteen years of research on the biogeochemical cycles of terrestrial ecosystems in the context of climate change and the development of sustainable agriculture. My research has helped to 1) explore the metabolisms and factors controlling carbon and nitrogen fluxes, especially in the soil and plant rhizosphere, 2) identify the life strategies of microorganisms and plants vis-à-vis of biochemical cycles and 3) a systemic analysis of the exchange of matter between living organisms to understand the cascade effects and the feedback loops. The applications of my research are to 1) improve the predictions on the impact of global changes (global warming, atmospheric chemistry and agricultural models) on ecosystem services backed by biogeochemical processes (production, carbon storage ...), 2) optimize the managements of grasslands and their services and 3) eco-design new grain production system inspired from the functioning of permanent grasslands. The results indicate a capacity of undisturbed biodiverse ecosystems (permanent grasslands, forests) to continuously accumulate organic matter in soil creating a global carbon sink. Carbon storage in soils does not necessarily increase with carbon inputs, it can even decrease. Thus, the increase in primary production in response to the rising atmospheric CO2 concentration will not increase the soil carbon sink. However, atmospheric nitrogen deposition, symbiotic fixation, and mycorrhizal degradation of rocks are expected to intensify the soil carbon sink by alleviating the stoichiometric constraints (nitrogen, phosphorus) of plants and soil-carbon-storing microorganisms. The transfer of organic carbon into deep soil horizons allows storage of this carbon for millennia under specific conditions. However, a change in rooting depth of plants can suddenly reactivate its mineralization in CO2 by microorganisms of the rhizosphere. My investigations have highlighted the paradox of the synchronization between the microbial supply of mineral nutrients and the demand of plants in natural ecosystems. Representing a major challenge in agriculture, this synchronization is unlikely to occur spontaneously since it depends on two separate organisms whose responses to environment factors differ. A regulating mechanism that adjusts supply to demand has been identified: two microbial functional groups create a conveyor belt of mineral nutrients on which the plant feeds. In this way large amounts of nutrients can be transferred from the soil to the plant while avoiding leaching and denitrification losses. It seems that annual crops have lost this supply-demand synchronization mechanism, which explains their poor environmental performance. However, the combination of a wheat with perennial plants has restored the synchronization supplydemand and services associated with it. These results suggest new lines of research. Biodiversity would help to create self-organized systems where exchanges of matter are optimized to ensure the durability of the parties and a maximal use of light energy. It could also contribute to adapting ecosystems to climate change. Thus the role of cooperation between living organisms in the process of natural selection and the functioning of ecosystems could be largely underestimated. Inspired by this knowledge, new bio-diversified and sustainable grain production systems can be designed.