This study describes the German film market in Moselle during the annexation of the department to Nazi Germany. It analyses the local politics of cinema put in place by the new authorities (part 1), the programming of films (part 2), their circulation and their consumption by the spectators (part 3). Focusing on an anthropological approach to the cinema, it attempts to question the effectiveness of the mechanisms of cultural hegemony that are not reduced to political manipulation, nor to the implicit presentation of a worldview. The focus is on pleasure as the driving force of aesthetic behaviour and the expression of a shared sensibility.From July 1940, the cinema is completely "Germanized": the organisation of the film industry is placed under the control of the NSDAP and the films (Deutsche Wochenschau, Kulturfilm and feature films) are all screened in German. However, the cinema remains the core activity of the annexation. Cinema attendance is significant, particularly because of the quality of films that were the best in Europe before the advent of Nazism. Market analysis also shows how few propaganda films, of the kind most readily associated with Nazi cinema were shown and that Germanic cultural entertainment focused predominantly on the most successful genres (such as musicals, melodramas, historical films) and on the reputation and beauty of famous celebrities (Viktor de Kowa, Marika Rökk, Viktor Staal, Viktor Rökk, etc.)The study of German films in annexed Moselle is essentially a study of the experience of the viewers, especially the youngest of them, whose memories we have been able to revive through oral surveys. The films are a way to have fun, of escaping a coercive and repressive daily life, and the social tensions inherent in society at the time. This appropriation of film is aimed at neutralising the more dangerous ideological ideas, and the profound attachment of viewers to the German cinema in general. The gratification continues because it is the subject of exchanges, discussions, sharing. However, the systematic assimilation of all these films to Nazi ideology made it impossible to show them after the fall of the Third Reich and the end of the Second World War.Deliberately conceived as an important tool in the Germanisation of the peoples of eastern France (who were expected to become fully-fledged Germans) and to be used as a propaganda tool for Nazi ideology and a cultural showcase for Germany in annexed Moselle, cinema was a free-spirited leisure activity. The popularity of German cinema is what allowed the authorities to politically manipulate leisure-time, moreover, it was made possible through cultural play or 'homo lumens' and by caring for oneself and the esteem of others. This paradoxical ambivalence is characteristic of a cultural hegemony, Cette étude décrit le marché des films allemands en Moselle pendant l'annexion du département à l'Allemagne nazie. Elle analyse la politique locale du cinéma mise en place par les nouvelles autorités (partie 1), la programmation des films (partie 2), leurs circulations et leurs consommations par les spectateurs (partie 3). Privilégiant une approche anthropologique du cinéma, l'observation essaie d'interroger l'efficacité des mécanismes d'hégémonie culturelle qui ne se réduisent ni à une entreprise de manipulation politique, ni à l'imposition implicite d'une vision du monde. Elle porte son attention sur le plaisir comme moteur de la conduite esthétique et expression d'une sensibilité partagée.Dès juillet 1940, le cinéma est entièrement « germanisé » : l’organisation de l’activité cinématographique est placée sous le contrôle du NSDAP et les films (Deutsche Wochenschau, Kulturfilm et longs-métrages) sont tous projetés en allemand. Pour autant, le cinéma demeure l’activité-phare de l’annexion. La fréquentation des salles de cinéma est massive notamment du fait de la qualité d'une filmographie qui était déjà la première en Europe avant l'avènement du nazisme. L'analyse du marché montre également la faible présence des films de propagande les plus spontanément associés au cinéma nazi et la normalité d'un divertissement de culture germanique centré sur le succès des genres les plus populaires (comme les films musicaux, les mélodrames, les films historiques) et sur le prestige et la beauté de vedettes admirées (Viktor de Kowa, Marika Rökk, Viktor Staal, Ilse Werner, etc.).L'étude de la réception des films allemands en Moselle annexée est l'étude de l'expérience qu'en font les spectateurs, notamment les plus jeunes d'entre eux, dont nous avons pu raviver les souvenirs par l'intermédiaire d'enquêtes orales. Les films sont un moyen de se divertir, de s’extraire d'un quotidien coercitif et répressif, et d’observer les tensions sociales inhérentes à la société de l’époque. Cette appropriation des films est à l’origine d'une neutralisation des effets idéologiques des plus virulents d'entre eux, et d’un attachement profond des spectateurs au cinéma allemand en général. Son plaisir est entretenu. Il fait l'objet d'échanges, de discussions, de partages. Mais l'assimilation systématique de tous ces films à l'idéologie nazie a rendu impossible sa transmission après la chute du Troisième Reich et la fin de la seconde guerre mondiale.Pensé volontairement comme un vecteur essentiel de la germanisation des populations de l'Est de la France appelées à devenir des Allemands à part entière, utilisé comme un instrument de propagande de l'idéologie nazie et une vitrine culturelle de l'Allemagne, le cinéma en Moselle annexée est un loisir sous influence qui se vit pourtant librement. Le plaisir du cinéma allemand est à la fois ce qui permet aux autorités de s'imposer politiquement dans l'ordre du loisir et dans le même temps, ce qui rend possible, par le biais du jeu, caractéristique de l'homo ludens, le souci de soi et l'estime des autres. Cette ambivalence paradoxale est le propre de l'hégémonie culturelle