Céline Granjou, Juliette Kon Kam King, Juliette Fournil, Lauric Cécillon, Laboratoire des EcoSystèmes et des Sociétés en Montagne (UR LESSEM), Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA), Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement (INRAE), Laboratoire Interdisciplinaire Sciences, Innovations, Sociétés (LISIS), and Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)-Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement (INRAE)-Université Gustave Eiffel
Si les sols sont indispensables à l’activité humaine et au bon fonctionnement des écosystèmes, ils ne font pourtant l’objet d’aucune mesure de conservation contraignante qui leur soit dédiée. Nous défendons que les difficultés à mettre en place des mesures de conservation du sol ne renvoient pas simplement à l’invisibilité propre au monde souterrain et aux dangers qui le menacent : comprendre ces difficultés demande de retracer la trajectoire de mise à l’agenda du sol comme enjeu environnemental et les répertoires particuliers dans lesquelles elle s’exprime. En déployant une approche pluridisciplinaire alliant sciences sociales et sciences du sol, nous avons cherché à identifier et à caractériser les logiques de requalification environnementale du sol à l’oeuvre depuis le milieu des années 2000. Nous avons notamment cherché à comprendre dans quelle mesure ces logiques de requalification du sol comme enjeu de conservation se démarquaient de l’appréhension agricole dominante qui envisage le sol en termes de support de fertilité et de production agronomique. Sur la base d’une enquête sociologique qualitative approfondie menée en France, incluant exploitation documentaire et entretiens, nous caractérisons deux logiques de requalification environnementale du sol, en termes d’une part de conservation des sols et de leur biodiversité menacés par des processus de dégradation, et en termes d’autre part de conservation et de sécurisation des fonctions et services rendus par les sols. Nous discutons enfin les différences et les relations entre ces deux logiques du point de vue de la manière dont elles interpellent, bousculent, ou au contraire font alliance avec les enjeux et les intérêts agricoles., While soil is crucial to human activity and ecosystem functioning, there is no policy specifically focused on soil conservation. We argue that the difficulties to implement soil conservation policies are not merely due to the invisibility of the underground world and the threats on its life and functioning. Instead, we need to unpack how soil has been set onto political agenda as an environmental issue, and to analyze the specific repertoires and language in which soil conservation is articulated. Drawing on a multidisciplinary approach including social sciences and soil sciences, we accounted for the logics of requalification of soil as environmental issue at play since the mid 2000s and for their relationships with the dominant agricultural qualification of soil as a material substrate for fertilization and agronomic productivity. Drawing on an in-depth qualitative investigation in France, including documentary exploitation and interviews, we identified two distinct logics of environmental requalification of soil, respectively in terms of endangered biodiversity and threatened soils in need of conserving, and in terms of soil functions and soil ecosystem services in need of conserving and securing. We finally discuss how those logics tend to unsettle agricultural logics and power relations or to comply with them.