Samson, M., Nicolas, B., Guilhem, A., Greigert, H., Ciudad, M., Cladiere, C., Straub, C., Blot, M., Piroth, L., Rogier, T., Devilliers, H., Manckoundia, P., Ghesquiere, T., Francois, S., Lakomy, D., Audia, S., and Bonnotte, B.
Depuis décembre 2019, plus de 20 millions de français ont été infectés par le SARS-CoV-2 et plus de 130 000 en sont décédés. La physiopathologie de cette infection n'est pas totalement élucidée. Il a été démontré qu'elle provoquait une importante sécrétion de cytokines pro-inflammatoires, en particulier d'interleukine-6 (IL-6) [1]. Lorsque les patients infectés sont hospitalisés, ils reçoivent généralement de la dexaméthasone et parfois un traitement anti-infectieux. Si la maladie s'aggrave, le tocilizumab peut être ajouté [2]. Actuellement, seule l'évolution clinique incite à débuter le tocilizumab, mais parfois trop tardivement. Il manque aux cliniciens un marqueur précoce leur permettant de prédire le risque d'aggravation de la maladie. Cette étude, menée chez des patients hospitalisés pour infection à SARS-CoV-2 pendant la 2e vague, avait pour objectif de rechercher un marqueur d'aggravation de la maladie en comparant la réponse lymphocytaire entre les patients évoluant vers une forme grave et les autres. Les patients hospitalisés pour infection à SARS-CoV-2 prouvée par RT-PCR datant de moins d'une semaine ont été inclus prospectivement dans cette étude monocentrique. Une infection grave était définie par un transfert en soins intensifs, en réanimation ou le décès. Des prélèvements sanguins ont été obtenus à l'admission à l'hôpital et avant de débuter la corticothérapie afin d'étudier les sous-populations lymphocytaires par cytométrie en flux et doser l'IL-6 plasmatique par immunofluorimétrie. Les données sont exprimées en nombre (%) ou médiane (espace inter-quartile). De septembre à décembre 2020, 37 patients (18 hommes, 19 femmes) hospitalisés pour infection à SARS-Cov2 ont été inclus : âge = 81,7 (70,3–87,5) ans, IMC = 25,7 (23,7–29) kg/m2, hypertension artérielle (54 %), diabète (24 %), dyslipidémie (35 %), tabagisme (24 %), cardiopathie ischémique (8 %), maladie cérébrovasculaire (11 %). La durée de suivi était de 10 (8–15) jours. Parmi les 37 patients inclus, 11 (30 %) ont présenté une infection à SARS-CoV-2 grave dont 4 transferts en réanimation et 8 décès. À l'admission, les patients ayant une infection évoluant vers une forme grave étaient plus âgés (p = 0,021), avaient une créatininémie plus élevée (p = 0,003) et une diminution du pourcentage de lymphocytes B (p = 0,04), de lymphocytes T (p = 0,009) et de lymphocytes T CD4+ (p = 0,004) circulants parmi les lymphocytes totaux comparativement aux patients dont l'évolution était favorable. Parmi les sous-populations lymphocytaires T étudiées (mémoires, naïfs, Th1, Th2, Th17, Treg, Tc1, Tc17, T CD8 cytotoxiques), il n'y avait pas de différence significative entre les deux groupes en dehors du pourcentage de lymphocytes Th17 à l'admission qui était deux fois plus élevé chez les patients dont l'infection évoluait vers une forme grave (0,44 vs 0,23 % des LT CD4 totaux ; p = 0,028). Chez les patients ayant une infection évoluant vers une forme grave, l'IL-6 plasmatique à l'admission était plus élevée (39 vs 13,1 pg/mL ; p = 0,018) et la CRP à l'admission avait tendance à être plus élevée sans atteindre le seuil de significativité (58 vs 18,5 mg/L ; p = 0,17). En analyse multivariée (régression logistique binaire comprenant les variables : âge, créatininémie, CRP, hémoglobine, lymphocytes T CD4, Th17, Treg activés (CD4 + CD45RA-FoxP3high), lymphocytes B, IL-6 sérique), la seule variable associée au risque d'évolution vers une forme grave de l'infection était le pourcentage de lymphocytes Th17 circulants (p = 0,034). L'aire sous la courbe de la courbe ROC évaluant la sensibilité et la spécificité du pourcentage de lymphocytes Th17 pour prédire une forme grave d'infection à SARS-CoV-2 chez un patient hospitalisé était de 0,75 (intervalle de confiance à 95 % : 0,56–0,95). Enfin, le fait d'avoir un pourcentage de lymphocytes Th17 > 0,435 % des lymphocytes T CD4 totaux au moment de l'admission en hospitalisation était associé à une moins bonne survie (p = 0,024). Cette étude suggère qu'une élévation du pourcentage de lymphocytes Th17 chez des patients hospitalisés pour infection à SARS-CoV-2 augmente significativement le risque d'évolution vers une forme grave de la maladie. Ce résultat est cohérent avec le fait qu'il a été démontré que le tocilizumab, qui est efficace dans le traitement des formes graves de COVID-19 [2] , inhibe la réponse lymphocytaire Th17 [3]. Ces données méritent d'être confirmées chez un plus grand nombre de patients afin de confirmer ce résultat car cette mesure pourrait permettre de mieux cibler la population de patients à qui proposer précocement un traitement par tocilizumab pour diminuer le risque d'évolution vers une forme grave d'infection à SARS-CoV-2. [ABSTRACT FROM AUTHOR]