Les projections démographiques de l’INSEE prévoient que plus d’un tiers des Français-es aura plus de 60 ans à l’horizon 2060. Cette évolution démographique pose la question de l’adaptation de nos sociétés et de nos cadres de vie face à cet enjeu. En France, plusieurs modalités de réponses ont émergé. Le néologisme « Silver économie » (sic) est apparu en 2013 (Commissariat général à la stratégie et à la prospective, 2013) pour désigner et accompagner la structuration d’un marché du vieillissement, opportunément fondé à soutenir le développement d’une filière gérontotechnologique en France. Cette stratégie nationale se décline au niveau des territoires par l’émergence et le soutien à des filières territoriales innovantes au sein de « Silver régions ». On assiste depuis lors à l’émergence d’un type particulier de Tiers Lieux (Oldenburg, 1989) : les Livings Labs en Santé-Autonomie (LLSA), aux formes et modalités diverses, (Picard et Poilpot, 2011, ; Dubé et al. 2014), largement soutenus par les pouvoirs publics, et dont le portage est parfois assuré par les collectivités territoriales. Leur objectif est la plupart du temps de permettre « un test en « grandeur nature » de services, outils et usages nouveaux sur des panels d’utilisateurs » (Pecqueur, 2012), ouvrant le débat sur l’acceptabilité sociale des innovations et les méthodologies de « conception centrée utilisateurs ». Ils fédèrent dans certains cas une dynamique d’innovation au service du développement des territoires (par exemple les dynamiques engendrées par Autonom’Lab dans le Limousin ou l’expérience d’Humanicité auprès des habitants de la Métropole lilloise). La loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, entrée en vigueur au 1er janvier 2016 « a pour objectif d’anticiper les conséquences du vieillissement de la population et d’inscrire cette période de vie dans un parcours répondant le plus possible aux attentes des personnes en matière de logement, de transports, de vie sociale et citoyenne, d'accompagnement. ». Elle pose la question du « bien vieillir ». Et c’est dans ce cadre que certains territoires, comme Toulouse Métropole se sont lancés dans une démarche de labellisation OMS : « Ville Amie des aîné-es », à laquelle nous avons pu participer(Seniors et ville de demain, rapport d’Audit 2015) et rendre compte des préoccupations centrales des « seniors » ayant pris part à cette dynamique autour de diverses thématiques, notamment sur les modalités du « vivre ensemble », la convivialité (ses espaces, ses médiations) au cours du parcours de vieillissement. Ce périmètre thématique permet de faire écho à un ensemble de thèmes récurrents dans la construction des problèmes publics de la vieillesse : l’inclusion sociale (thèmes de l’isolement et de l’érosion des réseaux sociaux, des rapports intergénérationnels) ou celui du soutien des personnes âgées dans les politiques du care; (participation de l’entourage, aidants, entraide et « self-help », etc.). S’adapter aux vieillissements - c’est-à-dire à la multiplicité des formes et des parcours liés à l’avancée en âge de la population mais également aux inégalités sociales, économiques, territoriales qui peuvent en découler- suppose, donc de trouver de nouvelles réponses qui ne sont pas forcément satisfaites par le marché ou les politiques publiques, mais par des démarches relevant de qu’il est convenu d’appeler l’innovation sociale (Klein et Harrison (dir.), 2006 ; Bellemare et Klein (dir.), 2011 ; Richez-Battesti et al., 2012) portées par un certain nombre d’opérateurs relevant ou non du champ de l’Economie Sociale ou Solidaire. C’est sur ce terreau fertile que nous sommes plusieurs chercheuses, issues de différents horizons disciplinaires, à nous être lancées dans un programme de recherche-action collaboratif visant à l’élaboration, par et pour les aîné-es, des solutions innovantes, liées au « bien vivre », au maintien de la convivialité et des sociabilités avec l’avancée en âge sur le territoire de la métropole de Toulouse, et que nous souhaitons présenter à l’occasion de ce colloque : le projet ÂGIR (Âge, innovation sociale et réflexivité.) Lancé fin octobre 2017, le projet ÂGIR souhaite mettre en oeuvre un dispositif de « laboratoire vivant » dans le cadre duquel le « do it yourself » (Hein, 2012) recouvre la capacitation et la montée en compétence d’un groupe de seniors accompagné par un consortium de chercheuses, issues des sciences sociales, des sciences de l’architecture, des sciences de l’ingénieur. L’objectif de ce groupe pérenne est d’analyser de manière réflexive un faisceau d’enjeux relatifs au vivre ensemble et à la convivialité au cours du parcours de vieillissement. Le « do it yourself » suppose l’identification par le groupe, à partir de situations concrètes, de « problèmes » à résoudre qu’il s’agit ici de qualifier finement par la mise en oeuvre de procédures d’enquête assumées par les participants, auprès de pairs ou d’acteurs concernés (phase 1 : diagnostic). Le groupe travaille depuis fin novembre 2108 en mode projet sur des propositions ciblées de leviers de résolution, par la mise en oeuvre d’une méthode dite « de l’objet flou », la MOF, (Rouyer et Casula, 2013) qui favorise la projection fictionnelle, puis la progression vers des propositions concrètes à mettre en oeuvre avec ou à soumettre aux opérateurs publics et privés du territoire concerné.