Résumé Le bruit environnemental aurait des effets négatifs majeurs sur le système cardiovasculaire. Cependant, les preuves épidémiologiques proviennent majoritairement de l’Europe et restent largement limitées aux associations avec l’hypertension (HT) et l’ensemble des maladies coronariennes combinées (incluant l’infarctus du myocarde, IM). Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) qui constituent pourtant la deuxième cause de décès dans le monde ont été très peu étudiés. De plus, la plupart des études portant sur les effets cardiovasculaires du bruit environnemental ont surtout estimé l’exposition au bruit des transports (routier et aérien) et non le bruit environnemental total (provenant de toutes les sources extérieures) auquel les individus sont généralement exposés dans leur environnement. Aussi, aucune étude n’a exploré par des analyses de médiation si l’effet du bruit sur les maladies cardiovasculaires (MCV) comme l’IM ou les AVC « passe » ou non par l’HT qui est un important facteur de risque des MCV. L’objectif de cette thèse était d’examiner les associations entre l’exposition résidentielle prolongée au bruit environnemental total et des transports et l’incidence d’IM et d’AVC (incluant l’AVC ischémique et hémorragique) dans la population adulte de Montréal, Canada. Cette thèse visait également à évaluer le rôle médiateur de l’HT dans ces associations. Des cohortes rétrospectives ouvertes (pour l’IM et les AVC) constituées d’individus âgés de ≥ 45 ans résidant à Montréal et sans antécédent d’IM ou d’AVC ont été construites à partir des données du Système intégré de surveillance des maladies chroniques du Québec pour la période 2000-2014. Nous avons utilisé trois méthodes différentes pour estimer l’exposition au bruit résidentiel : 1) bruit environnemental total estimé avec un modèle de type « Land Use Regression (LUR) »; 2) bruit du transport routier estimé avec le modèle de propagation CadnaA et 3) les distances aux sources de bruit du transport (routes, aéroport et chemins de fer). Les cas incidents d’IM, d’AVC et d’HT ont été identifiés à partir d’algorithmes validés, basés sur les diagnostics d’hospitalisations et de consultations médicales à l’urgence et en cabinet. Des modèles de Cox (avec l’âge comme axe de temps) stratifiés pour le sexe, ajustés pour l’année calendrier, l’indice de défavorisation matérielle et la pollution routière (dioxyde d’azote) et indirectement ajustés pour le tabagisme ont permis d’estimer les différentes associations. La méthode contrefactuelle a été utilisée pour estimer les effets direct et indirect de l’analyse de médiation par l’HT; dans cette analyse, un modèle logistique a été utilisé pour relier le bruit total à l’HT. Plus d’un million d’individus totalisant plus de 9,000,000 personnes-années ont été suivis de 2000 à 2014 dans chaque cohorte (IM et AVC). Nous avons trouvé des associations positives entre le bruit environnemental total (estimé avec LUR) et l’incidence de l’IM et des AVC. Les rapports de taux de risque (hazard ratio : HR) ajustés étaient respectivement de 1,12 (Intervalle de confiance [IC] à 95 % : 1,08-1,15) et 1,06 (IC 95 % : 1,03-1,09) pour chaque augmentation de 10 décibels A (dBA) des niveaux de bruit équivalent total sur 24h (LAeq24h). L’AVC ischémique était aussi associé au bruit environnemental total (HR par 10 dBA : 1.08; IC 95 % : 1,04-1,12) mais pas l’AVC hémorragique (HR par 10 dBA : 0,97; IC 95 % : 0,90-1,04). La précision des niveaux de bruit routier estimés avec le modèle de propagation CadnaA était faible, et l’association entre le bruit routier et l’IM négative (HR par 10 dBA : 0,99; IC 95 % : 0,98-1,00). Les résultats avec les distances aux sources de bruit étaient aussi surprenants. La proximité aux routes majeures et autoroutes n’étaient pas associée à l’IM (ex : HR comparant ≤50 versus > 500 m : 1,00; IC 95 % : 0,97-1,03 pour les routes majeures) tandis que la proximité aux chemins de fer l’était (HR pour ≤100 versus >1000 m : 1,07; IC 95 % : 1,01-1,14). Une association négative a été observée avec la proximité à la zone bruyante de l’aéroport). L’HT n’apparaissait pas comme un médiateur des associations entre le bruit environnemental total et l’incidence de l’IM ou des AVC, bien que l’HT soit aussi associée au bruit environnemental total (Rapport de Cotes par IQR de 5,5 dBA : 1,05, IC 95 % : 1,04-1,06 pour l’IM; et 1,05, IC 95 % : 1,05-1,06 pour les AVC). Les résultats de nos travaux basés sur le bruit environnemental total suggèrent que le bruit environnemental est associé à l’incidence de l’IM et des AVC dans une ville canadienne. L’HT n’apparaît pas comme un médiateur dans la relation entre le bruit et ces MCV. Les distances sont des indicateurs non spécifiques de l’exposition au bruit et le développement d’estimés d’exposition plus précis basés sur des modèles de propagation sont nécessaires pour quantifier les risques associés spécifiquement au bruit routier afin de les comparer à ceux d’autres villes. À Montréal, au Québec et au Canada, comme en Europe, le bruit environnemental contribue au fardeau de la maladie et il est important d’envisager des actions préventives pour réduire l’exposition des populations., Environmental noise has major negative effects on the cardiovascular system. However, epidemiological evidence comes mainly from Europe and remains largely limited to associations with hypertension (HT) and all combined coronary heart disease (including myocardial infarction, MI). Stroke, which is the second leading cause of death in the world, has been very little studied. In addition, most studies examining the cardiovascular effects of environmental noise have mainly estimated exposure to transport noise (road and air), not the total environmental noise (from all sources) to which individuals are generally exposed in their environment. Also, no study has explored with mediation analyses whether the effect of noise on cardiovascular diseases (CVD) such as MI or stroke “passes” or not through HT which is an important risk factor for CVD. The objective of this thesis was to examine the associations between long-term residential exposure to total environmental and transport noise and the incidence of MI and strokes (including ischemic and hemorrhagic stroke) in the adult population of Montreal, Canada. This thesis also aimed to assess the mediating effect of HT on these relationships. Open retrospective cohorts (for MI and strokes) of individuals aged ≥ 45 years residing in Montreal and without a history of MI or stroke were constructed from the Quebec Integrated Chronic Disease Surveillance System for the period 2000-2014. We used three different methods to estimate residential noise exposure: 1) total environmental noise estimated with a « Land Use Regression (LUR) » model; 2) road transport noise estimated with the CadnaA propagation model and 3) distances to transport noise sources (roads, airport, rail). Incident cases of MI, stroke and HT were identified using validated algorithms, based on diagnoses of hospitalizations and medical consultations at the emergency room and in physician offices. Cox models (with age as the time axis) stratified by sex, adjusted for the calendar year, material deprivation index and road pollution (nitrogen dioxide) and indirectly adjusted for smoking were used to estimate the different associations. The counterfactual method was used to estimate the direct and indirect effects of the mediation analysis by HT; a logistic regression model was used to relate total noise to HT in this analysis. Over one million individuals totalizing over 9,000,000 person-years were followed from 2000 to 2014 in each cohort (MI and stroke). We found positive associations between total environmental noise (estimated with LUR) and the incidence of MI and stroke. The adjusted hazard ratios (HR) were 1.12 (95% confidence interval [CI]: 1.08-1.15) and 1.06 (95% CI: 1.03-1, 09) for each 10 decibel A (dBA) increase in total equivalent noise levels over 24 hours (LAeq24h). Total environmental noise was associated with ischemic stroke (HR per 10 dBA: 1.08; 95% CI: 1.04-1.12) but not with hemorrhagic stroke (HR per 10 dBA: 0.97; 95% CI: 0.90-1.04). The precision of road noise levels estimated from the propagation model CadnaA was low and the association between road noise levels and MI negative (HR per 10 dBA: 0.99; 95% CI: 0.98-1.00). The results with distances to noise sources were also surprising. Proximity to major roads and highways were not associated with MI (e.g. HR comparing ≤50 versus> 500 m: 1.00; 95% CI: 0.97-1.03 for major roads) while the proximity to railways was positively associated with MI (HR for ≤100 versus> 1,000 m: 1.07; 95% CI: 1.01-1.14). A negative association was observed with the proximity to the noisy area of the airport (HR 1,000 m: 0.88; 95% CI: 0.81-0.96). HT did not appear to mediate the associations between total environmental noise and the incidence of MI or stroke, although HT was also associated with total environmental noise (Odds Ratios by IQR of 5.5 dBA increase: 1.05, 95%CI: 1.04-1.06 for MI; and 1.05, 95%CI: 1.05-1.06 for stroke). The results of our research based on total environmental noise suggest that environmental noise is associated with the incidence of MI and stroke in a Canadian city. HT does not appear to mediate the relationship between noise and these CVDs. Distances are non-specific indicators of noise exposure and the development of more precise exposure estimates based on propagation models is needed to quantify the risks associated specifically with road noise in order to compare them with those of other cities. In Montreal, Quebec and Canada, as in Europe, environmental noise contributes to the burden of disease, and it is important to consider preventive actions to reduce the exposure of populations.