Cette thèse pose la question suivante : comment suggérer, étudier et créer, à partir de la posture noire qui est la mienne, des possibilités et formes de relationalités entre les perspectives libératrices et décoloniales noires et autochtones au Québec ? Elle ne construit pas à partir de ce qui est mais de ce qui pourrait être et s’inscrit en cela dans l’héritage de la « sociologie hésitante » de W.E.B. Du Bois. Ce faisant, elle affirme aussi la spécificité des études noires et du radicalisme noir au Québec. La première partie de cette thèse (re)situe la violence coloniale-raciale dans les paramètres du Québec. Le chapitre I (re)situe la violence coloniale-raciale au Québec comme processus et formation en séquences multiples et renouvelées, aux démarcations poreuses et en interaction. Le chapitre II décline ensuite la structuration de la violence anti-noire et de la violence coloniale. Il en souligne les imbrications et recoupements à partir des spécificités contextuelles de chaque formation violente dans ce que j’appelle la durée de son itérabilité configurée par une virtualité permanente et établit la particularité de l’itération québécoise des antagonismes racialisés de la modernité. Le chapitre III, ou la seconde partie de cette thèse, met en place une poétique relationnelle comme espace conceptuel à partir duquel se déclinent les trois études de la partie suivante. Cette poétique est le résultat d’un parcours composé avec la « sociologie hésitante » de W.E.B. Du Bois, la poiēsis en noir de R.A. Judy, l’érotique chez Audre Lorde, la Relation d’Édouard Glissant, les « Black shoals » de Tiffany Lethabo King, la temporalité queer de Kara Keeling et l’improvisation chez Fred Moten. La troisième partie de cette thèse propose trois chapitres qui investissent, ou « improvisent », le risque poétique et relationnel que la deuxième section déclinait. À partir d’un avis de recherche publié en 1779 pour retrouver Nemo et Cash, des esclaves en fuite ayant quitté la ville de Québec, le chapitre IV suit la pensée-praxis marronne, fugitive, du départ-exil sur le Ndakinna ancestral des W8banakiak. Ce chapitre articule la fuite comme création relationnelle dans les termes de la « géographie sacrée » du territoire w8banaki qui la permet. Le chapitre V suit, dans sa relationalité au Kanién:ke et à la pensée politique kanien’kehà:ka, ce que j’appelle la constellation de la destruction radicale noire. Il propose de suivre la destruction radicale noire entre la Révolution haïtienne et sa théorisation par C.L.R. James, la pensée abolitionniste états-unienne telle que formulée chez W.E.B. Du Bois et Ruth Wilson Gilmore, ainsi que la pensée de la libération chez Amilcar Cabral, pour la faire arriver à Tiohtià:ke, sur le Kanién:ke. Le chapitre VI, finalement, appréhende l’histoire innu de Tshakapesh comme une réalité structurante et comme un ensemble de narrations contextuelles, et propose certains échos qui permettent de préparer une posture noire d’écoute, de réception et de relation avec Tshakapesh. Dans un engagement éthique avec l’impossibilité de raconter et de reproduire les histoires de la création autochtones, ce chapitre prépare à la relation noire avec Tshakapesh., This thesis asks the following question: how do we suggest, study and create, from a Black perspective, possibilities and forms of relationalities between Black and Indigenous liberatory and decolonial perspectives in Québec? This thesis does not build from what is but from what could be, and therefore carries on the legacy of W.E.B. Du Bois’s “sociology hesitant”. In so doing, it also affirms at the same time the specificity of Black Studies and Black radicalism in Québec. The first section (re)locates, first from its inaugural scenes, then in its duration, colonial-racial violence as it specifically takes shape in Québec. Chapter I (re)locates colonial-racial violence in Québec as a process and formation in multiple, interrelated and porous sequences. Chapter II outlines the structure of anti-Black violence and colonial violence, underlines how these distinct formations overlap in what I call the duration of their iterability, an iterability configured by a permanent virtuality, and establishes the specificity of Québec’s modern racialized antagonisms. Chapter III, or the second section of this thesis, suggests a relational poetics as the conceptual space in which I understand the three studies of the last section. This poetics, that I conceive as a Black risk, is the result of my engagement with W.E.B. Du Bois’s “hesitant sociology”, R.A. Judy’s poiēsis in Black, Audre Lorde’s erotics, Édouard Glissant’s Relation, Tiffany Lethabo King’s “Black shoals”, Kara Keeling’s queer temporality and Fred Moten’s improvisation. The third and last section of this thesis offers three studies that perform, or “improvise”, the poetic and relational risk that section II lays out. Based on a fugitive slave advertisement published in 1779 to find Nemo and Cash, two slaves that left Québec city and were last seen in Sorel, chapter IV follows a maroon, departing, fugitive thought-praxis on the Ndakinna, the W8banakiak’s ancestral territory. This chapter frames flight as a relational creation in the parameters of the w8banaki’s “sacred geography” that allows it. Chapter V follows, in its relationality to the Kanién:ke and to kanien’kehà:ka political thought, what I call the constellation of Black radical destruction. It follows this Black radical destruction between the Haitian Revolution and its theorizing by C.L.R. James, US abolitionism as theorized by W.E.B. Du Bois and Ruth Wilson Gilmore, and Amilcar Cabral’s liberation thought, as the constellation lands in Tiohtià:ke, on the Kanién:ke. Chapter VI understands the innu story of Tshakapesh as a structuring reality and as the plurality of its contextual narratives, and offers elements to prepare for a Black listening of, reception of and relation with Tshakapesh. Engaging with the ethical impossibility to tell the story or reproduce versions of it, this last chapter prepares for a Black relation with Tshakapesh.