La relation transféro-contre-transférentielle, véritable outil de travail du caregiver, du soignant, du psychiste, convie à penser la haine et la cruauté. Entre cruauté et tendresse, quelles capacités de re-co-naissances intrapsychiques et intersubjectives le soignant possède-t-il en lui afin de (re)considérer un soigné qui est lui dans un état de dépendance absolue et qui survit somatiquement et psychiquement ? La cruauté au sein d’une clinique extrême, celle de la clinique de l’insuffisance rénale chronique, est ici précisée, illustrée. Le soigné, pleinement, et le caregiver, à moindre mesure, sont pris, réellement et fantasmatiquement, entre une cruauté hématophile, conséquente de l’oralité vampirique en hémodialyse, et une cruauté anthropophage, issue de l’oralité cannibalique dans la clinique de la greffe rénale. Une rencontre clinique avec une insuffisante rénale transplantée et les pensées paradoxales qu’elle a fait naître chez l’un d’entre nous affinera notre propos. Nous discuterons d’une cruauté constituante pour conclure sur le besoin chez tout soignant de penser la haine et la cruauté. Pour nous, cela permet d’être au service de la relation de soin, donc des intrications somatopsychiques, de s’en dégager pour ne pas agir, notamment par retournements actif/passif, cette haine et cette cruauté dans les soins (enjeux de bientraitance/maltraitance ou plutôt de bienveillance/malveillance dans les soins).