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Dans la France du XIXe siècle, le mariage doit être consommé dès la nuit de noces. Cette entrée dans la sexualité légitime est spatialement circonscrite à un lieu particulier, désigné par l’expression générique de chambre nuptiale. Ce qui est censé s’y dérouler – l’acte sexuel inaugural de la relation conjugale, dont le déroulement est décisif dans la construction des liens qui se tissent entre le mari et la femme – détermine en grande partie la façon dont la chambre nuptiale et le lit des nouveaux mariés sont pensés, conçus, préparés et occupés par ces derniers. Cet article s’intéresse aux représentations de la chambre nuptiale mais aussi aux expériences concrètes des époux qui y passent leur première nuit, qui font état d’un imaginaire et de pratiques où la différence des sexes joue à plein. Il présente d’abord les caractéristiques principales de la chambre nuptiale en ce qui concerne sa localisation, sa fonction, et son aménagement, puis s’attarde sur les tensions qui se nouent quand elle est censée être davantage repliée sur le couple, et plus hermétique aux personnes extérieures. In nineteenth-century France, marriage had to be consummated on the wedding night. This entry into legitimate sexuality was spatially circumscribed to a particular place, designated by the generic expression of the bridal chamber. The first sexual act of the marital relationship was supposed to take place there: this location was thus decisive in the construction of the bonds between husband and wife. It largely determined the way in which the bridal chamber and the bed of the newlyweds were thought of, conceived, prepared, and occupied by them. This essay focuses on the representations of the bridal chamber, but also on the concrete experiences of the spouses who spend their first night there, which both reveal that the difference between the sexes played a major role. in the imagination and in practice. It presents the main characteristics of the bridal chamber in terms of its location, function and decoration (I), then it looks at the tensions that arise when the nuptial chamber was supposed to give more privacy to spouses and become more closed to outsiders (II).

Le divorce existait dans l’Antiquité classique (mondes grec et romain du ve s. avant notre ère au iie s. de notre ère), mais il différait sensiblement de la réalité moderne homonyme par plusieurs traits qui tiennent aux structures plus nettement patriarcales de ces sociétés antiques. Les femmes libres rattachées aux communautés civiques y étaient en effet placées, sauf exception, sous l’autorité d’un homme (en général leur père) qui, en les donnant en mariage, pouvait aussi transmettre à l’époux cette autorité. Dans ces conditions, le divorce, qui le plus souvent relevait de l’initiative du mari, quand ce n’était pas de celle du père, s’apparente davantage à une répudiation qu’à un divorce au sens où nous l’entendons actuellement. Le divorce à l’initiative de l’épouse pouvait cependant exister, dans une certaine limite, sans que, pour autant, cela implique une quelconque égalité de statut, à cet égard, entre les époux. Les différences entre le monde grec et Rome sont par ailleurs sensibles aussi bien en ce qui concerne la nature de l’autorité exercée sur les femmes que sur les motivations et les modalités du divorce. Divorce existed in Classical Antiquity (Greek and Roman worlds, 5th century BCE – 2nd century CE), but it differed significantly from the modern homonymous reality in several features which have more to do with the distinctly patriarchal structures of these ancient societies. The free women attached to civic communities were in fact, apart from exceptions, placed under the authority of a man (usually their father) who, by giving them in marriage, could transmit this authority to the husband. In these circumstances, divorce, which was most often initiated by the husband, when it was not the father, was more akin to a repudiation than to a divorce in the sense in which we now understand it. However, divorce on the wife's initiative didexist, to a certain extent, but this did not imply any equality of status between the spouses. The differences between the Greek world and Rome are also noticeable both in terms of the nature of the authority exercised over women as well as in the motivations and modalities of divorce.

Cet article analyse deux causes de nullité de mariage pour vim et metus (contrainte et peur) jugées par la Rote romaine dans les années 1580-1600 : le procès de doña Luisa de Cárdenas Carrillo y Albornoz contre don Diego de Silva y Mendoza, fils des princes d’Éboli et duc de Francavilla, et celui de doña Antonia Portocarrero y Cárdenas, marquise d’Alcalá de Alameda, contre don Felipe de Guzmán y Aragón, deuxième fils du 7e duc de Medina Sidonia. Dans le premier cas, le cardinal Ascanio Colonna, ami de Diego, impute l’échec à la partialité politique de l’auditeur français Séraphin Olivier-Razali. Dans le second, la marquise adapte sa stratégie judiciaire aux rétorsions exercées par sa puissante belle-famille. Cette étude montre comment les protagonistes cherchaient à sauver la face et atténuer l’humiliation que représentait le divorce pour la partie perdante – humiliation qui était à la mesure des enjeux sociaux et patrimoniaux des mariages dans l’aristocratie castillane. This article analyses two causes of nullity of marriage for vim et metus (constraint and fear) before the Roman Rota in the 1580’s – 1600’s : the cause of doña Luisa de Cárdenas Carrillo y Albornoz vs. don Diego de Silva y Mendoza, son of the princes of Eboli, and Duke of Francavilla, and the cause of doña Antonia Portocarrero y Cárdenas, Marchioness of Alcalá de Alameda, vs. Felipe de Guzmán y Aragón, second son of the 7th Duke of Medina Sidonia. In the first case, Cardinal Ascanio Colonna, friend of Diego, suggested that the political partiality of the French Auditor, Séraphin Olivier-Razali, was the reason for the failure. In the second one, the marchioness adapted her legal strategy to the retaliations of her husband’s powerful family. These case studies show how the protagonists tried to save face and mitigate the humiliation which accompanied a divorce trial for the losing party – a humiliation proportional to the reputation and heritage issues linked to marriages in Castilian aristocracy.

Le présent article s’intéresse au marché de la rencontre matrimoniale durant l’Entre-deux-guerres en France. L’intermédiaire discret, un journal bordelais, a fourni un corpus de plus de 4 000 petites annonces entre 1921 et 1940. Dans ces courts textes, les célibataires esquissent une définition des rôles qu'ils et elles attribuent à l'un et l'autre sexe en exprimant leur idéal d'époux et d'épouse. Aussi constituent-ils un observatoire des mutations des attentes matrimoniales des hommes et des femmes durant l’Entre-deux-guerres en France. Le caractère explicite des règles de sélection dans la logique concurrentielle du marché contribue à faire des annonces un espace de réaffirmation drastique des identités de genre. The following article focuses on matrimonial matchmakers during the interwar period in France. It analyzes the more than 4000 classified advertisements placed in L’intermédiaire discret, a newspaper based in Bordeaux, between 1921 and 1940. Through these short texts, single men and women sketched the ideal roles which they ascribed to each sex through their descriptions of their ideal wife or husband. Classified advertisements this provide a unique window onto changes into the marital expectations of men and women during the interwar years in France. They provided a space in which traditional gender roles were powerfully reaffirmed by making explicit the rules of selection following the logic of a competitive market.

Cette contribution se propose d’examiner, tout d’abord, les spécificités du concept canonique de la parenté et de l’inceste et de le comparer à d’autres religions ou confessions chrétiennes. Le regard se portera ensuite sur des demandes de dispenses matrimoniales du XIXe siècle, qui devaient permettre des unions dans des degrés proches, tant dans la consanguinité que dans l’affinité, dans le diocèse de Brixen (Bressanone), qui se situe de nos jours dans l’actuel Tyrol du Sud en Italie, mais qui englobait également le Tyrol du Nord et de l’Est, tout comme le Vorarlberg en Autriche. Les arguments avancés par les couples de fiancés et les témoins visant à relativiser le lien de parenté feront l’objet d’une analyse précise. La troisième partie se concentre finalement sur la spécificité de genre des motifs de dispenses officiellement reconnus et se propose d’étudier leurs conséquences pratiques. De fait, la plupart des raisons invoquées pour obtenir des dispenses matrimoniales au début de l’époque moderne et au XIXe siècle visaient surtout des femmes, ce qui nous conduit à nous interroger sur ce phénomène en le réintégrant dans une analyse plus globale. This article aims, first, to identify the specific characteristics of the canon law concept of kinship and incest and compare it with those of other religions and Christian denominations. It considers in particular nineteenth-century requests for dispensations which sought licence for marriage at close degrees of consanguinity and affinity, specifically from the diocese of Brixen (which includes present-day South Tirol (Italy) but also today’s North and East Tirol as well as Vorarlberg (Austria)). It examines arguments put forth by bridal couples and their witnesses which sought to minimise the kinship relationship between the prospective spouses. Finally, it considers the gender-specific character of the officially recognised reasons for granting a dispensation and discusses their consequences. It concludes that most of the classic reasons for dispensations valid during the early modern period and the nineteenth century were focused on women.

Dans les milieux élitaires de la seconde moitié du XIXe siècle, la recherche d'un.e conjoint.e pour les enfants est un moment clef pour la situation économique des familles. Il s'agit de trouver une personne qui répond à des critères de fortune, d'honorabilité mais aussi de santé et de vertu. Toutes ces informations sont difficiles à obtenir dans un contexte ou la vie intime des familles est soigneusement protégée. Dans cette perspective, certaines familles des élites catholiques ont recours au directeur de conscience, guide moral et/ou spirituel, pour préparer les unions. En effet, le directeur détient des informations confidentielles sur les autres familles qu'il peut choisir de révéler. De même, il peut user de son influence pour défendre les intérêts d'une famille ou peser dans les décisions des jeunes gens ou de leur entourage. Cet article étudie le rôle donné à Monseigneur Dupanloup dans le déroulement des négociations de mariage de la famille Menthon. Le prélat joue un rôle ambigu : on attend de lui qu'il soit capable de sélectionner les informations à diffuser ou à protéger : le direction de conscience apparaît prise entre les exigences mondaines et sociales et le secret spirituel. Le directeur est au centre d'un réseau de transmission des informations touchant au marché matrimonial. Ce réseau est animé par des femmes qui sont les principales chargées d'affaires des familles pour tout ce qui concerne les mariages. For nineteenth century elites seeking a partner for their children represented a defining moment for the financial and patrimonial situation of families. The candidate had to meet criteria of wealth, worthiness, virtue and health. Getting access to this information was difficult given the period’s protection of familial privacy. In this context, some Catholic families chose to resort to a spiritual advisor in order to settle the negotiations, given that the latter had access to confidential information concerning other families. He could then use his influence to support the interests of a family and to weigh on the choices of young people and their relatives. This article studies the role of Monseigneur Dupanloup in the arrangements of Marie and René de Menthon’s marriage. It explores the ambiguity of the prelate’s role in relation to Madame de Menthon’s expectation that he would filter the kind of information he could or could not reveal. Spiritual direction emerges here as being torn between social demand and the requirements of spiritual secret. The advisor was at the centre of a network, which conveyed information related to the “matrimonial market.” This network was built by women who were the families’ main business managers when it came to marriage.

Ce travail vise à rendre compte, par une analyse comparée, de l’usage des deux termes conjugaux uxor et coniux à partir du matériel épigraphique de la Gaule et des Alpes. Cette enquête s’attache à comprendre les différentes facettes de l’expression du lien conjugal et leur terminologie. Outrepassant le millier d’inscriptions, la nature des données disponibles relatives au vocabulaire désignant l’épouse diffère selon le lieu et la période mis en lumière. L’analyse se concentre tout particulièrement sur le statut des cités et celui de leurs habitants. Après examen des colonies romaines et des cités détentrices du ius Latii, il apparaît une surreprésentation des uxores jusque dans la seconde moitié du IIe siècle ap. J.-C au moins. Une fois ce délai dépassé, les coniuges l’emportent jusqu’au crépuscule du IVe siècle. Par ailleurs, émerge nettement un ensemble géographique autour de la vallée rhodanienne. Il s’agit des colonies romaines de Lyon et de Vienne qui font de coniux une utilisation très précoce, dès avant la fin du Ier siècle ap. J.-C. cependant que le substantif uxor n’est que très rarement mis au jour sur l’ensemble de la période. Une autre exception réside en la civitas des Trévires en Gaule Belgique qui fait montre d’un usage majoritaire de coniux à l’orée du IIe siècle, lorsque les uxores dominent remarquablement le Ier siècle. La démarche se fonde sur une approche par mise en série qui permet de reconstruire avec succès les pratiques lexicales de la désignation de l’épouse en Gaule romaine. This work consists in a comparative study of the two conjugal terms ‘uxor’ and ‘coniux’ from epigraphic material in Gaul and in the Alps. This survey aims at understanding some aspects of the expression of domestic bonds and their terminology. The whole inscriptions reach a thousand tokens, the two wedded terms included. The available data related to vocabulary of wife are of a different nature according to the period and the country concerned. The analysis then focuses on the status of both civitates and their inhabitants. By examining Roman colonies and cities with well rooted ius latii, it is to be noticed an over representing of “uxores” and this carries on until the second half of the second century AC. Then, the “coniuges” dominate to the fourth century. On the other hand, a geographic area clearly stands out in the Rhodanian valley. In the colonies of Lugdunum and Vienna, the word ‘coniux’ is used as early as the first century AC, whereas the word ‘uxor’ is hardly used during the whole period. Another exception is the civitas of the Trevires in Gallia Belgica where wives are better called ‘coniuges’ as early as the beginning of the second century, while the term ‘uxor’ dominates the first century. By gathering, comparing and analyzing lexicon and formulas of the inscribed material, this thesis attempts to establish connections and similarities, and thereby reconstruct a common pattern of lexical practices to designate Gallo-Roman wife.

Même si l’historiographie française a surtout retenu le voyage des infantes espagnoles vers le royaume de France et celui de Marie-Antoinette en 1770, les voyages nuptiaux vers la résidence du futur(e) époux (se) étaient en usage dans toute l’Europe du XVe au XVIIIe siècle. S’il n’existe à priori qu’un seul texte normatif (De institutione vivendi écrit par Diomeda Carafa en 1476), bien d’autres sources permettent d’étudier ces voyages sans retour (correspondances, récits de voyage, journaux et brochures, comptes princiers, etc.). Après avoir présenté une typologie de ces voyages nuptiaux, l’article se focalise sur le voyage le plus classique, celui qui conduit, à travers toute une série d’étapes codifiées, une jeune femme de la demeure parentale à celle de son époux. L’un des moments les plus importants de ce périple est sans nul doute le passage de la frontière car il s’accompagne de nombreuses représentations des différences culturelles réelles ou supposées tout en coïncidant avec le passage du statut de fille à celui d’épouse. À son arrivée à la cour de son époux, la fiancée se doit d’adopter les codes vestimentaires et les coiffures qui y sont à la mode, à la fois pour manifester sa volonté d’insertion mais aussi pour plaire à son mari. Les exemples de voyages nuptiaux étudiés à travers toute l’Europe manifestent finalement de nombreux points communs. Ce processus de transformation individuelle s’insère dans un autre plus vaste d’échange entre deux cours. Il ne s’agit pas seulement d’un déplacement dans l’espace mais aussi d’un changement de cadres des référents culturels (langue, mode, alimentation etc.) souvent douloureux pour la jeune femme même s’il existe un certain nombre de cas d’intégration réussie, comme Anne d’Este ou encore Anne d’Autriche.While French historians have tended to focus on the nuptial trips of the Spanish infantes to the Kingdom of France as well as that of Marie-Antoinette in 1770, such trips to the residence of the future spouse were common in Europe from the 15th to the 18th century. Only one normative text describing such trips exists (that of Diomeda Carafa, De institutione vivendi, 1476), but numerous other sources shed light on these one-way trips (correspondences, travel memoirs, newspapers, brochures, princely account books). Following a presentation of the variety of such trips, this article focuses on the classic example of the young women who leaves her parental home for that of her future spouse, following a series of codified steps. One of the most significant moments in this trip is the moment when she crosses the border and is confronted by the range of cultural differences (imagined or otherwise), while at the same time changing her status from that of young girl to wife. Once arrived in her spouse’s court, the fiancée had to adopt the reigning dress codes and hairstyles, not only to show her desire for integration but also her desire to please her husband. The analysis of these nuptial trips throughout Europe shows a number of commonalities. The process of individual transformation is part of a broader movement of exchange between the courts. The move involved more than spatial displacement but also a change in cultural references (language, fashion, food, etc.) which was often painful for the young women, even if a number of women, such as Anna d’Este and Anne of Austria, successfully integrated into their new courts.