1. La limite en jeu : proposition d'une sémiotique objectualiste pour l'évaluation des pratiques d'objectivation ludique de la masculinité artefactuelle
- Author
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Roussel, Lila
- Subjects
- Sémiotique, Objectivation, Liminalité, Limite, Hédonologie
- Abstract
En élaborant sa théorie des Annahmen vers le début du siècle dernier, le philosophe Alexius Meinong proposait que la postulation d’un objet, abstraction faite de son statut existentiel, constituait l’acte fondamental à tout phénomène intellectif, que celui-ci prenne la forme de la pensée, de l’émotion ou du désir, selon les termes d’une relation par laquelle l’objet était estimé être logiquement premier sur l’acte par lequel l’esprit pouvait s’en saisir. Or, peut-on épouser une ontologie qui admette des objets qui justement sont des créations de la pensée? En tel cas, comment concevoir la générativité objectuelle du signe et ensuite, le rapport des objets à l’ensemble des substrats matériels qui les soutiennent? D’un point de vue pragmatique, quelles sont les modalités de l’objectivation réalisée par le signe et quel rôle y joue la limite en tant qu’élément structurant? Comment le jeu sur cette dernière se trouve-t-elle exploitée dans les rapports hédoniques aux objets façonnés par l’imaginaire? Répondre à ces questionnements, nous croyons, est essentiel à la fois pour prendre la pleine mesure de la signifiance de la relation signe-objet ainsi que pour éclairer bon nombre de stratégies sémiotiques intuitivement exploitées par les artistes et dilettantes dans leurs rapports à tels objets. L’objectif de la présente recherche est donc double : envisager dans un premier temps les fondements théoriques d’un cadre permettant l’élaboration d’un paradigme sémiotique que nous nommons « objectualiste » en raison de la manière dont il repense les dynamiques fondamentales de l’opération du signe et, dans un deuxième temps, évaluer la fertilité du concept de limite et de sa mise en jeu en tant que paramètre d’analyse hédonologique appliqué à un ensemble de pratiques d’objectivation sémiotique afférentes à un corpus d’artefacts présentant certaines régularités génériques. À cette fin, nous proposons : 1) une démarche de réflexion théorique par laquelle envisager un concept d’objet comme terme d’une relation sémiotique entendue en tant que support d’un processus objectuellement génératif; 2) un travail de développement conceptuel par lequel articuler le concept de liminalité en proposant une déclinaison des différents niveaux d’application analytique de celui-ci, soutenu par des exemples d’implémentation tirés du répertoire; et 3) un travail d’analyse sémiotique par lequel évaluer l’apport de l’opérationnalisation du paramètre de la liminalité dans l’analyse du fonctionnement hédonologique d’un artefact multimodal complexe à déploiement transmédiatique. Il s’agit donc d’un programme d’envergure, non seulement en son degré d’intégration verticale du travail de développement théorique, de réflexion épistémologique, de conceptualisation et d’analyse, mais également sur le plan de l’étendue et de la variété des médias, procédés et pratiques sémiotiques soumis à examen. Les enjeux sont nombreux et profonds, puisqu’il s’agit d’une part de repenser les termes fondamentaux de la structure de la relation sémiotique et, d’autre part, de s’assurer, étant donné la diversité médiatique du corpus soumis à analyse, d’une compréhension approfondie du fonctionnement expérientiel d’une multiplicité de médias allant du texte au jeu vidéo en passant par la danse, l’illustration, la manipulation photographique, la vidéo et la musique, pour n’en nommer que quelques-uns. Sur le plan théorique, nous réfléchissons aux fondements ontologiques du concept d’objet tel qu’applicable comme terme de la fonction sémiotique; sur le plan technique, aux procédés sémiotiques de production et de dérivation d’objets; sur le plan phénoménologique, aux conditions d’interfaçage expérientiel avec l’objet au cours de l’acte de spectature; sur le plan pragmatique, aux déterminations (sous-)culturelles régissant les pratiques d’objectivation observées à même la constitution des artefacts du corpus; et, finalement, sur le plan symbolique, aux tendances quant aux tropes se dégageant des pratiques d’objectivation narrative et spectatorielle des entités artefactuelles à l’étude. La grille d’analyse appliquée à l’étude des artefacts formant notre corpus, quant à elle, prend appui d’une part sur les catégories ludologiques identifiées par Roger Caillois et d’autre part, sur le recours que fit Georges Bataille au concept de limite dans l’élaboration de sa phénoménologie de l’érotisme, supplémentés de quelques éléments additionnels permettant d’atteindre une granularité plus fine au niveau des aspects des représentations traitées. Le choix d’un corpus fait de masculinités artefactuelles tirant une grande part de leurs conventions symboliques et stylistiques de sous-cultures et contre-cultures féminines ayant émergé en contexte de sociétés fortement patriarcales procurera, quant à lui, un riche terrain d’investigation pour démontrer la valeur que peut assumer le jeu sur la limite dans les pratiques ludo-esthétiques d’objectivation sémiotique. _____________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : théorie sémiotique, objectivation, hédonologie, liminalité, masculinité artefactuelle
- Published
- 2023