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International audience; Le marché des auto-tests génétiques se développe depuis une vingtaine d’années, non sans soulever des débats, voire des controverses. Qu’en est-il de la régulation de ces dispositifs dits « innovants », mais dont le statut médical est ambigu ? Un premier aspect régulatoire vient du marché lui-même, puisqu’il est en cours de forte structuration. Un second aspect régulatoire relève plus classiquement du juridique. Alors que le statut des auto-tests a longtemps manqué de clarté à l’échelle européenne, un nouveau texte (un Règlement, et non une Directive) change la situation. Il encourage une régulation « par le marché », plutôt que « par la profession médicale », ce qui n’implique pas que cette dernière n’aura aucun impact (indirect) sur le marché des auto-tests. La publication originale est disponible sur le site www.medecinesciences.org

International audience; Entre les prémisses du marché des auto-tests, et la délivrance de premières certifications qui ont scellé l'existence officielle de ce marché, une vingtaine d'année aura été nécessaire pour que ces dispositifs s'étendent en dehors de la clinique, et en l'absence de toute ambigüité juridique. Alors que les auto-tests font débat à divers titres, le présent article se concentre essentiellement sur les prises de positions épistémiques, à leur égard, par la profession médicale. Celle-ci reconnaît-elle les auto-tests comme un dispositif médical ? Dans un second temps, les données empiriques qu'apporte une telle étude de cas permettent de « tester » le concept de médicalisation sur un plan théorique. Au final, les difficultés analytiques qui apparaissent lors de sa confrontation à ces données ne sont pas tant inhérentes au concept lui-même, qu'à l'autonomie de la profession médicale, ce qui reste non explicite dans les revues de littérature (voire peu explicite dans la littérature académique). Tout en resituant ce concept dans la littérature (entre autres une littérature qui lui est antérieure), le présent texte discute de son rapport à la médecine (perçue comme une institution), et en précise modestement certains aspects définitionnels. La conclusion soulève la question de la spécificité de la médecine, dans son rapport avec l'informatique d'un côté, et l'anatomo-physiologie de l'autre.

International audience; L’étude porte sur les tests génétiques vendus en accès libre (auto-tests) et dédiés à la santé, à la physiologie, aux performances ou aux comportements. En pleine expansion depuis la fin des années 1990, ce marché se construit notamment sur l’Internet, en l'absence de prescription médicale lors de la vente, et d'accompagnement par un professionnel de santé lors de l’accès aux résultats. Les premiers « auto-tests » étaient encore proches d’une diffusion médicale, et leur contenu tendait à être essentiellement issu de la clinique. Par la suite, les offres de tests se sont non seulement multipliées, mais leur contenu s’est largement diversifié, de concert avec l’avènement de la génomique. La typologie et l’analyse statistique mise en place dans notre étude montrent des phénomènes de structuration au sein du tout nouveau marché des auto-tests. Elles permettent non seulement de tester la théorie de la biomédicalisation (Clarke et al., 2000), qui manque jusqu’ici de démonstrations quantitatives basées sur le test d’une hypothèse, mais en soulignent également un aspect (voire la précise). Cette théorie évoque une « bioéconomie » et observe une redistribution du pouvoir professionnel médical, voire une remise en cause de ce dernier. Or elle ne détaille pas véritablement le profil des acteurs à l’origine de cette bioéconomie, et l’étude des auto-tests fait précisément ressortir le rôle d’un type d’acteur particulier dans la production / distribution (éventuellement médicale) des dispositifs de santé, ce que nous pouvons qualifier de « marchandisation ».En retour, l’industrie scientifique est à considérer d’un seul tenant (i.e. boucles production/diffusion ; Kline et Rosenberg, 1986), et composée de chaînes de valeur (Cooke, 2009). Si le marché des auto-tests donne à voir un corps médical qui a perdu sa place dominante (ventes en l’absence de prescription médicale), ce marché n’est pas non plus totalement indépendant du marché médical. D’une part, le marché privé est lié au marché médié (Conrad, 2004). D’autre part, puisque le caractère innovant des auto-tests se joue sur plusieurs registres, il faut s’attendre à trouver chez certaines entreprises un cumul de ces registres (voire une capacité à créer des ponts avec des marchés connexes), et donc une position stratégique sur le marché. Une régulation par le marché sous-tend d’ailleurs les auto-tests, alors même que la régulation d’état est encore en cours d’élaboration (aux Etats-Unis comme en Europe), près d’une vingtaine d’années après leur apparition. Au final, si notre hypothèse de départ se vérifie, il convient de la préciser car une émancipation de la tutelle médicale implique non pas une marginalité vis-à-vis de ce champ, mais une proximité (cognitive, organisationnelle, etc.). L’écosystème professionnel dans lequel évolue la juridiction médicale (Abbott, 1988) est ainsi en train de se diversifier.

Our study deals with Direct-To-Consumers Genetic Testing (DTCGTs) sold on the Internet, and more specifically with the ones for health, physiology, performance and behaviour. As a booming sector since 2000, this market doesn’t require medical prescription, and is built without health professional consultancy for test data and results. From a sociology perspective, we used theories of medicalisation (Conrad & Schneider, 1980; Conrad, 1992) and biomédicalisation (Clarke et al., 2000). From an empirical perspective, we explored the DTCGTs market dynamic. We listed 130 web-sites and 152 entrepreneurs, then we used a double database to inform their identity. The market territorial localisation changed, and european web-sites are finally as numerous as theirs north-american counterparts. Database analyses show that biomedicalisation actors are mainly scientific geneticists, biostatisticians, and graduated of MBA which work in scientific industry. These individuals, which sometimes hold more than a single diploma, or which tend to hold hierarchical positions, use Internet as an independent commercial way from medical practitioners. The occasional physicians which start a business can be categorized as insiders or as outsiders of scientific field. On the institutional dimension, DTCGTs are a sign of new actors incursion in medical field. Companies are the locus for institutional interactions which can count clinics, research institutes, and investment funds which are specialized in science and relatively new because they are, more or less, independent of industrial groups. Furthermore, one must notice the presence of informatics and Internet companies which, till now, didn’t really explore the health field in terms of conception and distribution of technical devices., Notre étude porte sur les tests génétiques vendus en accès libre sur l’Internet, et dédiés à la santé ou à la physiologie, aux performances ou aux comportements. En pleine expansion depuis la fin des années 1990, ce marché se construit en l'absence de prescription médicale lors de la vente, et d'accompagnement par un professionnel de santé lors de l’accès aux résultats. D’un point de vue théorique, nous discutons des théories de la médicalisation (Conrad, 1992) et de la biomédicalisation (Clarke et al., 2000). D’un point de vue empirique, nous avons cherché à comprendre la dynamique de ce nouveau marché. Nous avons répertorié 130 sites-web et identifié 155 entrepreneurs, puis avons étudiés l’évolution de ces profils. La localisation du marché évolue dans le temps, les sites-web européens étant au final aussi nombreux que leurs homologues nord-américains. En matière de conception et de distribution de dispositifs techniques, les auto-tests marquent une progression de l’autonomie des outsiders du champ médical, voire leur intrusion dans ce champ. En outre, ces outsiders peuvent être relativement nouveaux. Sur le plan institutionnel, par exemple, il faut noter la présence de fonds d’investissement spécialisés en science, et plus ou moins indépendants des traditionnels groupes industriels. Il faut par ailleurs constater la présence de firmes de l’informatique et de l'Internet qui, jusqu'à présent, ne s'étaient pas vraiment intéressées au champ de la santé en termes de conception et de distribution de dispositifs techniques.