Baeza-Squiban, Armelle, Garçon, Guillaume, Thaon, Isabelle, Redaelli, Matteo, Unité de Biologie Fonctionnelle et Adaptative (BFA (UMR_8251 / U1133)), Université Paris Diderot - Paris 7 (UPD7)-Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Université de Lille, Université de Lorraine (UL), Direction de l'Evaluation des Risques (DER), Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), and Anses
Citation suggérée : Anses. (2022). Qualité de l’air ambiant des enceintes ferroviaires souterraines (EFS). État des connaissances sur la toxicité des particules et sur les effets sanitaires associés à la pollution de l’air des EFS. Recommandation de concentrations en particules dans l’air des EFS à ne pas dépasser. (saisine 2019-SA-0148). Maisons-Alfort : Anses, 181 p.; La qualité de l’air intérieur des enceintes ferroviaires souterraines (EFS) où circulent les trains de voyageurs (« métros ») n’est pas réglementée contrairement à d’autres établissements recevant du public (ERP). Depuis 2000, plusieurs avis visant à améliorer la qualité de l’air pour les usagers des transports dans les EFS ont été rendus par le Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France (CSHPF). Le CSHPF recommandait entre autres des valeurs guides de qualité de l’air dans les EFS pour les PM10 dans son avis du 3 mai 2001.Depuis le début des années 2000, les mesures de la qualité de l’air dans des EFS en France ont mis en évidence des concentrations massiques en particules (PM10, PM2,5) très supérieures à celles mesurées à l’extérieur en fond urbain. Les principales sources de ces concentrations élevées sont l’usure des matériaux due au freinage des rames et aux contacts entre le matériel roulant et la voie ferrée, et la remise en suspension du fait de la circulation des rames. La composition de ces particules en suspension diffère cependant des particules de l’air urbain extérieur, avec une teneur élevée en éléments métalliques dont le fer qui est un constituant majeur, et la présence importante également de carbone élémentaire et de carbone organique. Ces particules sont plus grosses, plus denses et de forme plus variable (en écaille, ellipsoïdales, semi-sphériques ou sphériques). A l’échelle mondiale, le niveau moyen de pollution aux particules des métros semble être plus élevé en Europe (W. Zhang et al. 2019). D’autres polluants chimiques, présents à des concentrations parfois supérieures à celles mesurées en fond urbain, ont été identifiés tels que des hydrocarbures aromatiques (toluène, phénanthrène, fluoranthène, anthracène et pyrène), et plus rarement le benzène, le dioxyde d’azote et le benzo(a)pyrène. En comparaison avec l’air au sein du trafic routier, l’air des EFS (hors périodes de travaux de maintenance) est moins chargé en nombre de particules, en carbone suie et en gaz comme le monoxyde de carbone, le dioxyde d’azote, le benzène, le toluène et le formaldéhyde (ANSES 2015). L’exposition aux fibres amiante, aux fibres minérales artificielles, à la silice cristalline ainsi qu’aux bioaérosols (champignons, virus, bactéries) est moins documentée et n’a donc pas pu être évaluée par l’agence aussi précisément que pour les polluants précités (Anses, 2015).La connaissance de la toxicité des particules en suspension dans les EFS apparaît bien plus limitée que pour les particules de la pollution atmosphérique urbaine. Ces dernières ont en effet fait l’objet de nombreuses études épidémiologiques et expérimentales qui font état d’effets délétères sur la santé notamment au niveau respiratoire et cardiovasculaire. Bien qu’ils soient peu documentés, leseffets potentiels des particules en suspension dans les EFS ont été investigués dans quelques études épidémiologiques et expérimentales, et au travers de revues de la littérature comme celle réalisée précédemment par l’Anses (ANSES 2015). Sur le plan épidémiologique, le peu de données disponibles relatives à l’exposition des travailleurs en EFS ne permettait pas de statuer sur lesrisques à long terme ni sur les risques cumulés avec d’autres expositions professionnelles. Les quelques études transversales et cas-croisés ne mettaient pas en évidence d’effets importants à très court terme sur la fonction ventilatoire, la santé respiratoire et cardiovasculaire. Aucun excès de risque de cancer broncho-pulmonaire ni d’infarctus du myocarde n’avait été mis en évidence pourchacun de ces deux effets sur la base d’une seule étude, présentant des risques importants de biais de confusion et de classement de l’exposition. Les données disponibles sur la toxicité des particules de l’air des EFS étaient très limitées et portaient uniquement sur des effets à court terme. Les données expérimentales in vitro montraient un stress oxydant, une cytotoxicité et une génotoxicité élevés des particules des EFS par rapport à la toxicité des particules de l’air extérieur ou des particules Diesel. Les données disponibles chez l’Homme et chez l’animal in vivo suggéraient une toxicité accrue des particules des EFS en termes d’inflammation systémique et respiratoire. Une seule étude à très forte dose chez le rat a recherché et a montré une persistance de l’inflammation respiratoire 60 jours après instillation. A l’inverse, les données disponibles suggéraient des effets moindres sur la fonction ventilatoire par rapport à des indicateurs de pollution urbaine extérieure (PNC, NOx et NO2). Communément, les effets observés étaient interprétés par la forte teneur en métaux des particules soulignant une contribution plus ou moins partielle du fer. Les contributions respectives de la fraction soluble et non soluble restaient à préciser. De plus quelques études suggèraient un rôle de la fraction carbonée, élémentaire et organique.Ces dernières années, la connaissance des caractéristiques physiques et chimiques des polluants de l’air dans les EFS a progressé. Dans le même temps, la fréquentation des EFS, qui représente environ 5 millions de voyageurs par jour pour le réseau francilien (un des réseaux les plus fréquentés au monde), est en constante et sensible augmentation (+ 4,5 % de 2013 à 2018 pour l’Ile-de-France). Cependant, face à la situation de pollution dans les EFS et à l’augmentation de la fréquentation des EFS, presqu’ aucune ville à travers le monde ne met en œuvre de mesures concrètes de gouvernance pour lutter contre cette pollution (W. Zhang et al. 2019). Par ailleurs, pour les régies de transport ferroviaire comme pour les autorités publiques, la sécurité et l’opérationnalité économique du bien-être public (réduction de la pollution dans les EFS mais aussi report des modes de transport individuels à combustion interne et plus polluants vers le transport collectif et ferroviaire moins polluant, facilitation des déplacements, etc.) restent le premier objectif. Enfin, étant donné que la gouvernance de la lutte de la pollution de l'air dans les EFS implique entre autres les autorités publiques, les régies de transport ferroviaire (et autres entreprises exploitant les EFS), les usagers du transport3 et les employeurs , la différence de perception des coûts et de la pollution environnementale entre les parties prenantes peut conduire à une dynamique d’intérêts multiples. Afin de contribuer à une gouvernance efficace de lutte contre la pollution de l’air des EFS, des standards de la qualité de l’air pour les EFS pourraient être progressivement promulgués. Une feuille de route et des cibles pour la conformité de la qualité de l’air dans les EFS pourraient être établies afin de guider les opérateurs des EFS et autres parties prenantes pour trouver des solutions dont le rapport coût-efficacité satisfasse à des objectifs réglementaires qui seraient fixés par les autorités.Depuis 2013, un plan d’actions a été mis en œuvre par le gouvernement français pour l’amélioration de la qualité de l’air intérieur, intégré au 3ème plan national santé-environnement, qui prévoit notamment l’amélioration de la surveillance de la pollution de l’air dans les enceintes ferroviaires souterraines.Dans ce cadre, l’INERIS a produit un guide fournissant des recommandations pour la réalisation de mesures harmonisées de la qualité de l’air dans les enceintes ferroviaires souterraines (INERIS 2020). L’expérimentation du protocole dans différentes stations du territoire national s’est tenue courant 2019.En complément de cette action, la DGS, la DGTIM et la DGPR ont saisi l’Anses le 30 août 2019 afin d’évaluer la pertinence et la faisabilité d’établir une ou des valeurs guides de qualité de l’air intérieur (VGAI) spécifique(s) à l’exposition des usagers dans le EFS, et d’élaborer de telles valeurs le cas échéant.