Une accélération de la fréquence cardiaque (FC) au repos est observée chez les femmes enceintes. Au dernier trimestre, la FC accélère en moyenne de 15%, ce qui représente un facteur de risque dans le développement d’arythmies de novo ou dans l’exacerbation d’arythmies cardiaques préexistantes. Ceci est dangereux pour la mère ainsi que pour le fœtus. Cependant, les mécanismes responsables de ce changement cardiovasculaire restent peu connus. Notre laboratoire a récemment démontré que la grossesse était associée à une augmentation de la densité du courant pacemaker (If) et du courant calcique de type L (ICaL), ainsi qu’à des changements de l’homéostasie calcique dans les cellules de nœud sinusal (NS) de souris. Sachant que les concentrations plasmatiques en œstrogènes sont significativement augmentées pendant la grossesse et que ces hormones sexuelles féminines ont la capacité de modifier les propriétés électrophysiologiques du cœur, l’hypothèse de ce projet de recherche est que les œstrogènes jouent un rôle important dans l’augmentation de la FC associée à la grossesse et régulent les propriétés électrophysiologiques du NS. Les objectifs de ce projet de recherche sont de déterminer le rôle du 17β-œstradiol (E2) dans l’augmentation de la FC, d’examiner si ces effets sont régulés par les récepteurs aux œstrogènes alpha (ERα) et/ou bêta (ERβ) ainsi que d’évaluer les différents mécanismes de régulation de l’E2 sur l’électrophysiologie du NS. Des souris femelles adultes non-gestantes (2-4 mois) déficientes en ERα (ERKOα) ou en ERβ (ERKOβ) ont reçu un traitement chronique à l’E2 (30 μg deux fois par jour pendant quatre jours) simulant les concentrations plasmatiques en E2 retrouvées en fin de grossesse (23,3 ± 5,0 nM) chez la souris. L’analyse des électrocardiogrammes de surface montrent que la FC des souris ERKOβ (ERKOβ : 511 ± 15 bpm; ERKOβ +E2 : 580 ± 10 bpm, n = 10, p < 0,001) est significativement accélérée suivant le traitement à l’E2. Toutefois, la FC demeure inchangée chez les souris ERKOα (ERKOα : 520 ± 16 bpm; ERKOα +E2 : 530 ± 21 bpm, n = 7, p = 0,114). La méthode du patch-clamp en mode courant-imposé a permis de démontrer une accélération de l’automaticité des cellules du NS des souris ERKOβ suivant le traitement à l’E2, se traduisant par une augmentation de la fréquence des potentiels d’action spontanés (ERKOβ : 284 ± 24 bpm, n = 8; ERKOβ +E2 : 354 ± 23 bpm, n = 15, p = 0,0395) et par une pente de dépolarisation diastolique plus rapide (ERKOβ : 82 ± 12 mV/s, n = 8; ERKOβ +E2 : 140 ± 14 mV/s, n = 15, p < 0,003). En lien avec ces résultats, le patch-clamp en mode voltage-imposé a permis de démontrer que la densité de If est augmentée suivant un traitement à l’E2 (à -90 mV : ERKOβ : -6,6 ± 0,7 pA/pF, n = 12-15; ERKOβ +E2 : -11 ± 1 pA/pF, n = 9-11, p < 0,05). Cependant, If est similaire chez les souris ERKOα traitées ou non à l’E2. De plus, des cardiomyocytes humains dérivés de cellules souches pluripotentes induites de type nodal (N-hiPSC-CM) ont une accélération de la fréquence des potentiels d’action (CTL : 69 ± 5 bpm, n = 12; +E2 : 99 ± 6 bpm, n = 14, p < 0,001) ainsi qu’une augmentation de la densité de If (à -90 mV : CTL : -0,95 ± 0,14 pA/pF, n = 7-10; +E2 : -1,62 ± 0,17 pA/pF, n = 13-14, p < 0,05) suivant le traitement à l’E2. L’administration d’E2 ne modifie pas la fréquence des transitoires calciques des cellules de NS des souris ERKOα (139 ± 15, n = 13-14; +E2 : 142 ± 14, n = 15-16, p = ns) et ERKOβ (142 ± 11, n = 14-15; +E2 : 147 ± 13, n = 15-16, p = ns). En lien avec ces résultats, le courant ICaL des N-hiPSC-CM est inchangé suivant le traitement d’E2 (à 0 mV : CTL : -14,0 ± 1,3 pA/pF, n = 12-13; +E2 : -14,5 ± 1,4 pA/pF, n = 22, p = ns). En conclusion, l’accélération de l’automaticité cardiaque associée à la grossesse est, entre autres, expliquée par une augmentation de la densité de If, régulée par la voie de signalisation E2-ERα. Cependant, les changements de l’homéostasie calcique observés pendant la grossesse sont indépendants des niveaux élevés en œstrogènes. Les résultats obtenus sur les N-hiPSC-CM concordent avec ce qui est observé dans les cellules de NS de souris, ce qui démontre l’applicabilité humaine des résultats. Notre étude contribue à élucider l’influence de la grossesse et le rôle des hormones sexuelles féminines sur la fonction du NS et l’automaticité cardiaque. Ultimement, notre travail pourrait aider à développer une meilleure gestion des arythmies associées aux fluctuations hormonales féminines et/ou à la grossesse., An increased heart rate (HR) is observed in pregnant women. In fact, in the last trimester, in average, the HR increases by 15%, which is a known risk factor to developing cardiac arrhythmias or exacerbating pre-existing arrhythmias. This can lead to major consequences for both the mother and fetus. However, the mechanisms underlying this increased HR remain largely unexplored. Our laboratory recently demonstrate that pregnancy is associated with an increased density of the pacemaker current (If) and the L-type calcium current (ICaL) as well as changes in calcium homeostasis of mouse sinoatrial node (SAN) cells. Knowing that estrogens are increased during pregnancy and that these sex hormones can modify cardiac electrophysiological properties, we hypothesized that estrogens play a key role in the pregnancy-induced increased HR and regulate the SAN electrophysiological properties. Our research project aims to determine the role of 17β-estradiol (E2) on the pregnancy-induced increased HR, to determine if these effects are regulated through estrogen receptor alpha (ERα) and/or beta (ERβ) and to study the E2 underlying mechanisms on SAN electrophysiology. Non-pregnant female mice (2-4 months) lacking ERα (ERKOα) or ERβ (ERKOβ) received a chronic E2 treatment (30 μg twice daily for four days) mimicking E2 concentrations found in late pregnancy (23.3 ± 5.0 nM). Surface electrocardiogram analysis showed a significant increased HR in ERKOβ mice (ERKOβ: 511 ± 15 bpm; ERKOβ +E2: 580 ± 10 bpm; n = 10; p