Dans un contexte de transition énergétique, l’utilisation de la biomasse lignocellulosique comme source d’énergie renouvelable pour la production de biocarburants a le potentiel de diminuer notre dépendance vis-à-vis des énergies fossiles polluantes et de réduire de façon radicale notre empreinte carbone. Autre que les résidus forestiers et agricoles; la biomasse lignocellulosique peut provenir des cultures énergétiques dédiées à base de plantes à croissance rapide comme les saules (Salix spp.). En effet, ces plantes ligneuses sont faciles à mettre en place et produisent de hauts rendements pendant plusieurs années. L’eau et les nutriments (essentiellement l’azote) étant cependant les principaux facteurs limitants à leur développement. L'utilisation des effluents municipaux constituent une alternative intéressante à l'irrigation conventionnelle et à la fertilisation par des engrais chimiques dont la synthèse même contribue à l’augmentation des gaz à effet de serre. En effet, les eaux usées qu’elles soient partiellement et /ou totalement traitées contiennent encore de grandes quantités d’azote et de phosphore qui peuvent être captées par les saules améliorant d’autant leur croissance et leur productivité. La phytofiltration; c.-à-d. l’utilisation de filtre végétal est donc un concept séduisant; permettant d’une part de solutionner des problématiques sociétales et environnementales telles que la gestion des grands volumes d’effluents organiques et la préservation des milieux naturels et d’autre part de valoriser les contaminants qui sont en solution dans les effluents pour promouvoir le développement des plantes et en augmenter les rendements de la biomasse. Cette biomasse lignocellulosique pourrait aussi servir de matière première pour la production de biocarburant, néanmoins, il est important que l’emphase soit mise non seulement sur les quantités des bois produits, mais aussi sur leur qualité. En effet, lors de la production de biocarburant lignocellulosique, l’efficacité de la conversion biochimique d’une biomasse donnée est étroitement liée à la composition chimique de cette dernière. L’objectif de cette thèse est de déterminer l’effet de l’irrigation par des effluents organiques sur la structure anatomique et la composition chimique du bois de divers génotypes de saules et de comprendre les répercussions d’une altération du bois, si elles existent, sur la récalcitrance du bois à l’hydrolyse enzymatique. Une première étude a été conduite sur une plantation de saules Salix miyabeana ‘SX67’. Le but de cette étude était de déterminer l’effet à moyen terme de l’irrigation par des eaux usées avec traitement primaire (et donc ayant gardé une forte portion de sa charge organique et azotée) en premier lieu sur la physiologie et ensuite sur les caractéristiques intrinsèques du bois telles que sa composition chimique ou encore la structure hydraulique et mécanique. Dans un premier temps, les résultats ont montré que la fertigation a altéré la morphologie des feuilles ainsi que les stratégies d’utilisation du carbone ce qui a permis de maximiser la surface photosynthétique et d’améliorer le rendement quantique par unité de surface foliaire. Aussi, des analyses histologiques ont permis de déceler une élongation de la longueur des stomates chez les plantes fertiguées, engendrant une augmentation de la conductance stomatique et inévitablement celle du taux de carbone assimilé (la photosynthèse) permettant ainsi de promouvoir la croissance et le développement des plantes irriguées par les eaux usées et d’en améliorer la productivité. Dans un second temps, les analyses chimiques du bois du cultivar Salix miyabeana ‘SX67’ ont montré que pour les plantes qui ont été irriguées par des eaux usées, il y a eu une diminution de la fraction des extractibles ainsi qu’une augmentation de la fraction cellulose sans toutefois que cela soit accompagné d’une diminution de la lignine. Les analyses histologiques ont aussi dévoilé une différence de la densité des vaisseaux et de leur diamètre entre les plantes fertiguées et les témoins, toutefois, il ne peut être exclu que cette différence soit en partie occasionnée et/ ou accentuée par la méthode d’échantillonnage qui cible des régions différentes de la plante. Dans une deuxième étude, la biomasse issue de trois expériences distinctes, réalisées au Canada (Beaverlodge et Whitecourt) et en Grande-Bretagne (Hillsborough) et dans lesquelles différents cultivars de saules ont été irrigués durant trois années de croissance par différents effluents organiques (des eaux usées avec traitement secondaire et des effluents de laiterie non traités), a été analysée afin d’étudier les conséquences de la fertigation sur la structure anatomique et la composition chimique du bois ainsi que sur sa récalcitrance à la saccharification enzymatique. Pour tous les sites, les résultats n’ont pas montré de différence pour les variables anatomiques et la densité du bois entre les plantes témoins et celles fertiguées , suggérant que ces cultivars étaient résilients à l’application d’effluents organiques. Cependant la fertigation a eu un effet sur la composition chimique et la récalcitrance du bois. La réponse des plantes a varié en fonction du site avec pas d’effets pour les cultivars de Beaverlodge, une diminution du taux d’extractibles et une augmentation des rendements en sucre pour certains cultivars de Whitecourt et une augmentation du contenu en xylose et une diminution des sucres libérées pour la plupart des génotypes de Hillsborough. Ces différences dans la réponse peuvent suggérer que des facteurs spécifiques aux sites tels que les conditions environnementales et la composition des eaux usées pourraient avoir influencé la composition chimique du bois ainsi que sa récalcitrance à l’hydrolyse enzymatique. Suite à l’hydrolyse enzymatique, nous avons constaté que la récalcitrance d’une biomasse donnée n’est pas exclusivement liée à son contenu en cellulose étant donné que pour plus d’un cultivar, le rendement en glucose a été plus élevé que pour d’autres génotypes qui avaient une plus grande teneur en cellulose. Les analyses chimiques des différents cultivars ont permis de déceler une grande variabilité dans la teneur en cellulose (glucose) ainsi que dans l’indice de la récalcitrance entre les génotypes d’un même site, toutefois, la différence était plus prononcée entre les génotypes de sites différents. Aucun génotype n’étant commun aux trois sites nous ne pouvons cependant conclure clairement sur ce point qui mériterait donc des études subséquentes afin d’affiner plus encore la sélection des variétés au niveau local. Cette thèse a permis de démontrer le potentiel des saules pour filtrer de grandes quantités d’effluents tout en apportant des informations nouvelles quant aux impacts sur la composition chimique et la récalcitrance de la biomasse produite dans ces circonstances. Les travaux ici présentés pouvant être l’assise nécessaire pour une optimisation efficace de cette phytotechnologie, tant du point de vue du choix variétal que de la modulation de la fertigation en vue de la double utilisation de la plantation productrice de biomasse pour les biocarburants et en tant que filtre végétal., In the current context of transition to more sustainable energies, the use of lignocellulosic biomass as a renewable energy for biofuels production has the potential to decrease our dependence on polluting fossil fuels and drastically reduce our carbon footprint. Other than forestry and agricultural residues; lignocellulosic biomass can come from dedicated energy crops based on fast growing plants such as willows (Salix spp.). Indeed, these woody plants are easy to establish and produce high yields for several years, water and nutrients (mainly nitrogen) yet being the main plant development limiting factors. However, the use of municipal effluents is an interesting alternative to traditional irrigation and fertilization with chemical fertilizers, the very synthesis of which contributes to the increase in greenhouse gases. Indeed, wastewater, whether partially and /or fully treated, still contains large amounts of nitrogen and phosphorus which can be captured by willows, further improving their growth and productivity. Phytofiltration; i.e. the use of plant-based filters is therefore an attractive concept; allowing on one hand to solve societal and environmental problems such as the management of large volumes of organic effluents and the preservation of natural environments; on the other hand to recover contaminants to promote plant development and increase biomass yields. Then, this lignocellulosic biomass could be used for the production of biofuel. But it is now important to focus research work on wood quality rather than on quantities produced. Indeed, during the production of lignocellulosic biofuel, biochemical conversion efficiency of a given biomass is closely linked to its chemical composition. Therefore, the objective of this thesis is to determine the effect of irrigation by organic effluents on the anatomical structure and chemical composition of wood of various genotypes of willows and to understand the latter consequences on its recalcitrance to enzymatic hydrolysis. A first study was carried out on a plantation of Salix miyabeana ‘SX67’ willows. The aim of this study was to determine the medium-term effect of irrigation by wastewater with primary treatment (with still a large portion of its organic and nitrogen load) first on plant physiology and then on intrinsic characteristics of wood such as its chemical composition or its hydraulic and mechanical structure. First, the results showed that fertigation altered leaf morphology as well as carbon utilization strategies with an increased photosynthetic area and improved quantum yield per unit leaf area. Also, histological analyzes have made it possible to detect in fertigated plants stomata length elongation and therefore an increase in stomatal conductance and of the rate of assimilated carbon (photosynthesis) that promoted plant growth and development. In a second step, the chemical analyzes of the wood of the same Salix miyabeana ‘SX67’ plants showed that wastewater irrigation decreased the fraction of extractables as well as increased cellulose content, no change was observed for lignin fraction. Histological analyzes also revealed a difference in the vessel density and diameter between fertigated plants and controls, however it cannot be excluded that this difference is partly caused and /or accentuated by the sampling method chosen (region of the plant where the samples were taken). In a second study, the biomass resulting from three separate experiments carried out in Canada (Beaverlodge and Whitecourt) and in Great Britain (Hillsborough) where different cultivars of willows were irrigated for three years by different organic effluents (wastewater with secondary treatment and primary dairy farm wastewater) was analyzed in order to study the consequences of fertigation on the anatomical structure and the chemical composition of wood as well as its recalcitrance to enzymatic saccharification. For all sites, the results showed no difference between control and fertigated irrigated plants neither for anatomical variables nor for wood density, suggesting that these cultivars would have been resilient to the application of organic effluent. Regarding the effect of fertigation on wood chemical composition and recalcitrance, the plants response varied between sites. No effects was observed for Beaverlodge cultivars but we measured a decrease in extractables content and an increase of sugar yields for some cultivars of Whitecourt and finally, an increase in xylose content and a decrease of the rate of sugar yields for most of Hillsborough genotypes. This difference in response between the three sites may suggest that site-specific factors such as wastewater composition but also distinct environmental conditions may have influenced the chemical composition of the wood as well as its recalcitrance to enzymatic deconstruction. Following enzymatic hydrolysis, we found that the recalcitrance of a given biomass is not exclusively related to its cellulose content since for more than one cultivar glucose yield was higher than for others which had higher cellulose content. Finally, chemical analyzes of the different cultivars made it possible to detect a great variability in the content of cellulose (glucose) as well as in the index of recalcitrance between genotypes planted on the same site, but the differences were much more pronounced between different sites. However, no genotype being common to the three sites, we cannot clearly conclude on this point, which would therefore merit subsequent studies in order to further refine the selection of varieties at the local level. This thesis allows to demonstrate the potential of willows to filter large quantities of effluents while providing new information on the impacts on the chemical composition and the recalcitrance of the biomass produced under these circumstances. The work presented here may be the necessary basis for an effective optimization of this phytotechnology, both from the point of view of varietal choice and of the modulation of fertigation in the perspective of both the plantation producing biomass for biofuels and as a cost-effective planted filter.