Filhon, Alexandra, Deauvieau, Jérôme, De Verdalle, Laure, Pelage, Agnès, Poullaouec, Tristan, Brousse, Cécile, Mespoulet, Martine, and Sztandar‑Sztanderska, Karolina
Cet article porte sur l’étude comparée, dans cinq pays d’Europe, des formes de catégorisation de l’espace social. Il analyse pour cela la compréhension profane d’un projet de nomenclature socioprofessionnelle européenne (ESeC), conçu par des chercheurs à la demande d’Eurostat. Au‑delà de la compréhension des logiques ayant gouverné la conception de ce prototype, notre travail vise plus largement à étudier la façon dont les individus « lisent » l’espace social dans différents contextes nationaux. En effet, en regardant comment les enquêtés des différents pays concernés (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Pologne) interprètent les principes de catégorisation et de classement d’un même prototype, ce sont leurs propres catégorisations qu’il est possible de mettre au jour et donc de comparer. Grâce à un dispositif expérimental qui confrontait les enquêtés à une liste de professions ordonnées selon les grandes catégories d’ESeC, nous interrogeons la cohérence de ce projet de nomenclature, au regard d’une réception profane, et nous mettons en évidence le fait que ses principes de classement sont inégalement perçus, ce qui interroge à la fois les critères retenus pour l’organisation de ce prototype, mais aussi la capacité d’une nomenclature européenne à prendre en compte des réalités socioéconomiques encore très contrastées. This article studies the categorization of social space in five European countries (Germany, Belgium, Spain, France and Poland). It relies on the analysis of the reception of a prototype conceived by social science researchers for Eurostat: the European Socioeconomic Classification (ESeC). Beyond the comprehension of the logics governing this prototype, our work points out how “ordinary” people understand the structuration of social space in different national contexts. And indeed, by studying how interviewees react when they are confronted with ESeC categories, we are able to simultaneously address how they develop their own categories to orient themselves in social space. Through an experimental research based on a list of professions, classified according to the ESeC categories, we test the self‑consistency of the prototype when it is submitted to uninitiated people. Our results demonstrate that the main organization principles of ESeC are not easy to understand for our interviewees. We conclude by questioning the capacity of such a European nomenclature to take into account the various national socioeconomic realities that still characterize the European Union.