Robbins, A., Didier, K., Toquet, S., Tabary, T., Quinquenel, A., Pham, B.N., and Servettaz, A.
Introduction Le déficit sélectif en immunoglobuline M (IgM) est une pathologie rare (prévalence entre 0,37 à 1,68 %), paraissant associé à des infections récurrentes, et des pathologies atopiques, auto-immunes et gastro-intestinales. Ce déficit a été décrit chez l’enfant ainsi que chez l’adulte, bien qu’il n’apparaisse pas à ce jour dans la classification des déficits immunitaires humoraux. Nous présentons ici une série hospitalière, décrivant le contexte de découverte du déficit, pour en déduire une définition précise du déficit sélectif en IgM primitif et secondaire. Patients et méthodes Il s’agit d’une étude rétrospective et observationnelle. Tous les patients adultes suivis dans notre hôpital universitaire, quelle que soit leur pathologie, et présentant une concentration sérique d’IgM ≤30 mg/dL avec des concentrations normales d’IgG et d’IgA, entre 2010 et 2015, ont été inclus. Les données cliniques et biologiques d’intérêt ont été recueillies. Résultats À partir de 7775 patients testés, 78 patients répondaient aux critères d’inclusion, l’âge moyen était de 63,1 ± 16,6 ans, et 48 étaient des hommes (61,5 %). La concentration sérique moyenne en IgM était de 20 ± 11 mg/dL, 16 patients (20,5 %) avaient une concentration inférieure d’IgM au seuil de détection. Trente-trois (42,3 %) patients avaient une pathologie lymphoproliférative (dont 14 avaient été ou étaient traités pour ces pathologies), 13 (16,7 %) avaient reçu ou recevaient un traitement immunosuppresseur (IS) pour une affection non hématologique au moment du dosage d’IgM. Trente-quatre (43,6 %) n’avaient ni lymphoprolifération ni immunosuppresseur actuel ou passé, mais un patient avait été splénectomisé. Trente-trois (42,3 %) étaient finalement considérés comme ayant un déficit primitif en IgM (prévalence : 0,42 %). Parmi ces patients, 30,3 % avaient des manifestations auto-immunes, 24,2 % des événements infectieux (principalement des infections communautaires des voies aériennes supérieures et inférieures) et 15,2 % présentaient des bronchectasies. Discussion Nous présentons ici la première étude, à notre connaissance, incluant tous les patients présentant un déficit sélectif en IgM, quelle que soit son origine, à partir d’une population hospitalière générale. Nous décrivons ainsi deux groupes de patients dont l’origine du déficit pourrait être secondaire ; dans le cadre d’une prolifération clonale de cellules B/plasmocytes, cela pourrait être dû à une altération de certaines populations B, à un envahissement médullaire ou splénique et pourrait représenter une première étape d’une évolution vers un déficit humoral complet ; dans le cadre d’une prescription d’IS tel que azathioprine, mycophénolate mofétil, mais aussi des biothérapies telles que le natalizumab, devant inciter à la prudence du clinicien. Le déficit primitif était moins souvent compliqué d’infections (24,2 % vs 50 à 80 %), d’atopie ou de pathologies gastro-intestinales que dans d’autres séries, mais le recrutement des patients était probablement différent (hôpital général vs clinique d’immunologie/allergologie). La physiopathologie de ce déficit n’est pas bien connue, mais il a été décrit des altérations de certaines sous-populations B (de la zone marginale, IgM-only). Un défaut d’assemblage ou de sécrétion de la forme soluble de l’IgM, un défaut de maturation des cellules B ou de coopération T/B sont suspectés. La prise en charge n’est pas codifiée, mais un traitement substitutif par immunoglobulines a été proposé, sans preuves formelles de son efficacité sur les infections à répétition ; un tableau vaccinal, comme chez le patient splénectomisé, pourrait être proposé aux patients. Conclusion Nous suggérons ici que le déficit primitif sélectif en IgM pourrait être défini comme une concentration isolément basse d’IgM ≤ 30 mg/dL à au moins deux reprises, en l’absence de toute autre pathologie pouvant être responsable d’un déficit secondaire isolé en IgM (pathologie lymphoproliférative, traitement immunosuppresseur). Des travaux de recherche sont nécessaires afin, d’une part, de mieux comprendre les mécanismes pathogéniques sous-jacents et, d’autre part, de guider la prise en charge thérapeutique des patients présentant des infections récurrentes. [ABSTRACT FROM AUTHOR]